Les elfes :

 

« La terrible et lumineuse beauté de notre Grande Reine brille comme un fanal. Sa cour toute entière est le reflet de cette beauté et le reflet du choix fait par les elfes du Bois de sang. Je pense qu’il nous faudra bientôt choisir à nouveau mais, cette fois-ci, pour nous-même. Je pense que nous devrons alors choisir une autre voie. »

- Furnithann, élémentaliste elfe, dans une lettre adressée à son ami, le nécromancien Mestoph

 

Ils mesurent, en moyenne, 1,90 m et pèsent environ 70 kg.

Les traits de leur visage paraissent parfaitement symétriques, voire lisses et sans défaut. La plupart des autres races de Barsaive s’accordent à les trouver attirants.

La couleur de leur peau varie largement selon leur tribu et leur région d’origine, mais les plus courants sont le blanc pâle, le rose, le cuivré, le brun ou le noir de jais. Il existe des elfes à la peau vert pâle ou d’une couleur iridescente et nacrée appelée « cetharel », mais ils sont rares.

Ils ont une pilosité corporelle peu développée mais ont une abondante chevelure et une barbe fournie, souvent d’une coloration inattendue. En plus des teintes blanches, blondes, brunes et noires, ils ont parfois les cheveux violets, bleus, voire même de couleur métallique.

Ils ont des oreilles allongées, très pointues, et se déplacent avec une grâce incomparable.

Malheureusement, la charpente délicate qui rend possible cette légèreté implique également une certaine fragilité physique. Ils ont de longues jambes pour leur taille.

Ils atteignent la maturité physique au bout d’une bonne vingtaine d’années et leur espérance de vie est de 300 ans. Des documents parlent d’individus ayant vécu jusqu’à 400 ans. Selon les légendes, certains elfes auraient même vécu beaucoup plus longtemps encore.

La première loyauté des elfes va à leur famille, plutôt qu’à leur tribu ou à leur nation et les liens du sang sont, pour eux, les relations les plus fortes de l’existence. Avant le Châtiment, la plus grande partie des elfes éprouvaient de la loyauté envers la Cour du bois de Wyrm, alors considérée comme le cœur de la civilisation elfique. Depuis le Châtiment et la corruption du Bois, cette loyauté s’est généralement transformée en un sentiment de deuil pour ce qui a été perdu.

Les elfes préfèrent vivre en petites communautés. Les cités elfiques consistent généralement en une vague confédération de villages, regroupés en comtés. Ils peuvent aussi habiter dans des villes naines ou humaines, mais ils éprouvent rarement plus qu’une agréable sympathie pour ce genre d’agglomération.

Ils préfèrent la vie en milieu naturel, bâtissent leur maison et toutes leurs constructions à partir de plantes vivantes, intégrant leur habitat à leur environnement naturel. Ils trouvent les habitations souterraines inconfortables et peuvent ressentir une certaine claustrophobie dans les villes naines ou humaines s’ils n’ont pas la possibilité de regagner les contrées sauvages au moins 2 ou 3 fois par an.

De nombreux elfes suivent une voie spirituelle appelée « Draesis It’Morel » ou roue de la vie. La roue est composée de 5 chemins : le chemin des guerriers, le chemin des érudits, le chemin des voyageurs, le chemin des sages et le chemin des seigneurs. Chaque chemin est traditionnellement associé à certaines disciplines ainsi qu’à des symboles rituels comme les couleurs ou les éléments.

Les elfes ayant une vision traditionnelle sont appelés Sa’mistisha (fidèles stricts) et s’efforcent d’adhérer à la pratique ancienne de chaque chemin. Les autres sont appelés Dae’mistisha (fidèles libres) et voient les chemins comme des métaphores représentants les différentes étapes de leur vie.

 

 

Disciplines populaires :

 

 

Les personnages elfes suivent généralement des disciplines qu’ils considèrent raffinées ou demandant une forte implication, comme les disciplines de lanceurs de sorts, ou encore Archer, Éclaireur, Maître d’armes, Maître des animaux ou Troubadour.

Parmi les disciplines moins populaires, on trouve le Guerrier, le Navigateur du ciel et le voleur.

Les elfes suivent rarement les disciplines du Cavalier et du forgeron.

 

 

Les noms :

 

 

Les parents choisissent le nom de leur enfant. Il représente souvent un aspect de son lignage. Les elfes accomplissent généralement le rituel de passage aux alentours de vingt ans et choisissent alors leur propre nom.

 

Exemples : Aéraias, Beshar, Caluath, Dremnin, Eirdeth, Eytherian, Fithvael, Gaélin, Hareth, Iathi, Jaren, Kermanthil, Luévia, Maralan, Nai’ara, Noarethal, Pyrail, Rhyvain, Siluath, Tiathar, Tyrnéa, Uthwyn, Vilmir, Yalathaël, Zydan

 

 

Les questeurs :

 

 

Les elfes quêtent généralement pour Jaspree et Astendar, et parfois pour Mynbruje. Ils peuvent quêter pour toutes les Passions folles, mais plus rarement pour Raggok.

 

 

Le Voyage et la Roue :

 

 

Les elfes ont une croyance spirituelle unique qu’ils appellent « le Voyage et la Roue » et qui dit que, quand un elfe vieillit, son esprit doit suivre les cinq chemins avant d’atteindre les métaplans. La plupart des elfes croient en ce processus de croissance représenté par le Voyage et la Roue bien que, depuis le Châtiment, peu d’entre eux respectent toutes les traditions associées à ces croyances.

Si un joueur décide que son elfe doit arpenter sur les chemins, il doit aussi décider de sa faction, les Sa’mistisha (fidèles stricts) ou les Dae’mistisha (fidèles libres). Cette distinction prendra une importance capitale dans l’évolution du personnage.

 

 

Sa’mistisha :

 

 

Les elfes qui choisissent la voie des fidèles stricts pensent qu’ils doivent choisir une nouvelle discipline à chaque fois qu’il change de chemin.

Quand un personnage suit cette voie, il doit donc choisir une nouvelle discipline à chaque fois qu’il change de chemin. Il abandonne les Talents et les Compétences de son ancienne discipline, ainsi que tous les rangs et avantages qu’elle lui apportait. L’expérience qu’il a gagnée grâce à son ancienne discipline survit encore dans ses connaissances et dans son passé, mais tant qu’il n’aura pas atteint le chemin des seigneurs, il ne pourra pas s’en servir.

Un joueur peut créer un elfe de Premier Cercle et le placer plus loin sur la Roue, sur le chemin des voyageurs, des sages ou des érudits, par exemple. Dans ce cas, le joueur peut inventer les disciplines que son personnage a suivies sur les chemins précédents afin que ses Talents et Compétences lui soient accessibles quand il empruntera le chemin des seigneurs.

Quand un personnage entame son voyage sur le chemin des seigneurs, il peut à nouveau utiliser les Talents et Compétences de ses anciennes disciplines, au Cercle et au rang qu’il avait atteint quand il a changé de chemin, et il peut à nouveau augmenter ses Talents et ses Compétences.

 

 

Dae’mistisha :

 

 

Les elfes qui suivent les croyances spirituelles des fidèles libres ne souffrent pas de restriction de jeu, mais nous vous conseillons de veiller à la façon dont vous interprétez le personnage. Quand il emprunte un nouveau chemin, il doit considérer le monde d’un œil légèrement différent, pour représenter le domaine sur lequel se concentre son nouveau chemin. Par exemple, un elfe Élémentaliste qui suit le chemin des Guerriers agira sûrement différemment de celui qui suit le chemin des sages.

Cet ajustement permet non seulement au joueur de développer ses capacités d’interprétation de personnage et lui donne une raison plausible pour changer la manière dont son personnage traite ses compagnons et pour modifier son rôle au sein du groupe.

 

 

Suggestions d’interprétation :

 

 

Plus que les autres races, les elfes essayent de vivre leur vie de manière à intégrer tous les aspects de leur culture et de leur personnalité dans un ensemble cohérent. Un personnage elfe doit être créé en réfléchissant à la manière de concilier les aspects spécifiques de sa race, comme la fierté culturelle et la tristesse qu’il éprouve vis-à-vis du Bois de Sang, et tous les autres éléments de la vie du personnage.

Pour les elfes, l’aspect primordial de leur être est celui qui les unit à la nature et au monde qui les entoure. Le peuple elfique se considère comme le défenseur de la nature. Par analogie, la destruction de celle-ci équivaut toujours à la destruction d’une infime partie du peuple elfique. Les elfes conçoivent tous leurs rituels de façon à rester en harmonie avec la nature, essayant de capter la beauté de cette dernière à travers une œuvre d’art et en préservant ces traditions de respect et de vénération du vivant.

Le travail artistique offre aux elfes la possibilité d’exprimer leur amour et leur confiance en la nature. Chaque elfe apprend de nombreuses formes d’expressions artistiques dès son plus jeune âge et en pratique au moins une durant toute sa vie. Les adeptes elfes choisissent souvent une compétence d’art typiquement elfique. Les troubadours font souvent la démonstration de leurs compétences de musicien et de danseur pour prouver qu’ils n’ont pas été corrompus par les Horreurs. Les magiciens, eux, embellissent généralement leur robe de broderies réalisées à partir de tissus elfiques uniques.

La tradition influence chaque aspect de la vie des elfes et fait partie intégrante de leur éducation. Au-delà des coutumes qu’ils préservent grâce à leurs rites naturels et plus encore à travers leurs formes d’art traditionnelles, les traditions culturelles guident et influencent les elfes durant toute leur vie. Les rites et les coutumes qu’aura un personnage elfe permettront de souligner cet aspect de la race elfique. On peut choisir d’inventer des traditions culturelles spécifiques à un personnage élevé dans une communauté située au plus profond d’une forêt de Barsaive, ou adapter une tradition des forêts à une famille elfe qui a vécu en ville pendant des générations.

Si on ne peut pas dire des elfes qu’ils sont humbles (ils arborent trop fièrement leurs vieilles traditions pour cela), ils essaient néanmoins de garder pour eux leur sentiment de supériorité vis-à-vis des autres races. La population elfique de Barsaive doit aussi constamment faire face au racisme suscité par l’existence des elfes de sang.
Plutôt que d’admirer ou de craindre les elfes, les autres races les regardent souvent avec dédain, comme s’ils étaient tous corrompus et qu’ils avaient tous emprunté la voie des elfes de sang. Leur tradition fait fondamentalement partie de leur personnalité et de nombreux elfes normaux ressentent une profonde tristesse à cause de leur séparation d’avec le Bois de Sang. Le manque de contacts avec le cœur historique de leur culture et de leur gouvernement provoque chez ces elfes une angoisse supplémentaire qui teinte leur perception du monde et affecte tous les aspects de leur vie.

 

 

De l’histoire remarquable du peuple elfique :

 

 

« Cet extrait du volume II des « Habitants de Barsaive » est tiré des écrits de Liandre, un Troubadour elfe qui vit actuellement à Urupa, sur les bords de la mer d’Arras. Cet essai est unique car son auteur est l’un des rares barsaiviens nés avant le Châtiment. Liandre était un jeune garçon quand il se réfugia dans un kaer souterrain avec toute sa famille, avant l’arrivée des Horreurs. Beaucoup de gens se demandent dans quel kaer Liandre a vécu pendant si longtemps, mais le Troubadour se contente de leur demander en retour pourquoi cela leur importe tant. Il parle bien plus volontiers de la période qui précéda le Châtiment et essaye de faire comprendre aux gens toute l’ampleur de la tragédie qui a frappé les elfes de Barsaive. »

Thom Edrull, archiviste et scribe de la Salle des Archives, 1506 TH

 

En tant que voyageur, j’ai vu bien des choses et partagé bien des histoires avec toutes sortes de gens, et je me suis rendu compte que, à propos des elfes, les Donneurs-De-Noms avaient tout un éventail de croyances diverses et variée, souvent contradictoire. En tant qu’érudit et Troubadour elfe, je pense qu’il est de mon devoir de leur révéler la vérité sur les elfes de Barsaive.

 

 

La vie des elfes depuis la corruption :

 

 

Après le Châtiment, la vie des elfes est devenue un mélange de merveilles et de tragédies. Elle est remplie de merveilles car nous contemplons à nouveau la beauté de la nature, elle qui nous fut si souvent refusée, et nous aidons le monde à guérir et à retrouver sa splendeur passée. Mais la vie des elfes est aussi tragique car nous avons beaucoup perdu et nous sommes devenu un peuple sans âme. La corruption née du Châtiment a perverti la cour elfique du Bois de Wyrm et a détruit le cœur de la race elfique. Depuis, pas un elfe de Barsaive ne se sent vraiment entier. La cour elfique unissait les elfes et, depuis sa disparition, nous ne sommes plus que des enfants aveugles qui sanglotent dans les ténèbres. Pendant des siècles, tous les elfes vouèrent une loyauté sans faille à la cour elfique et tous se reposèrent sur sa sagesse et ses conseils. Aujourd’hui, nous sommes perdus et nous devons trouver une nouvelle place parmi les Donneurs-De-Noms.

De la cour elfique et de ses pouvoirs :

 

 

Pour comprendre les elfes, le lecteur doit tout d’abord comprendre le rôle vital que tenait la cour elfique dans la vie et dans le cœur des elfes. Contrairement aux royaumes comme Throal ou comme la cité-État qui devint l’empire théran, la cour elfique n’a pas de pouvoir temporel.

Elle n’a pas d’armée sous ses ordres, bien que les guerriers qui lui ont juré fidélité la défendent contre tout danger. La reine et ses courtisans ne gouverne pas au sens throalique du terme. En effet, la cour elfique se moque des actions des cours elfiques inférieures dispersées à travers le monde, à moins qu’elles n’entrent en conflit avec les coutumes des elfes. Ce n’est que dans ce cas que La Cour se penche sur les problèmes politiques et ce, seulement si la reine estime qu’il est sage de le faire. La Cour n’édicte pas de lois, n’impose pas la paix et ne prélève bien sûr pas de taxes. Elle est une référence qui permet à tous les royaumes elfiques du monde de juger s’ils vivent en tant qu’elfes ou non. C’est en contemplant la cour qu’ils apprennent comment améliorer leur vie.

Tout ce qui était bel et bon dans la vie et la culture des elfes naissaient à la cour elfique. Elle nous donna les arts, le langage, la mode vestimentaire, nos rituels sacrés et tout ce qui donne un sens à la vie. Même les changements naissaient d’abord à La Cour, comme les changements de saison transforment le vert des feuilles en or en commençant par le cœur de l’arbre. Nous regardions la cour elfique quand nous voulions savoir ce qu’était notre peuple. C’était notre modèle, notre exemple, le sommet de la réussite elfique, ce que nous cherchions tous à devenir.

 

 

Du choix de la reine et de son règne :

 

 

La Cour était le cœur de la culture elfique et la reine était le cœur de La Cour. Quand la reine mourait, les courtisans en choisissaient une nouvelle parmi les elfes de La Cour ou d’ailleurs, afin de couronner celle qui incarnait au mieux les idéaux et les coutumes de la race elfique. Pendant son règne séculaire, la reine ne gouvernait pas son peuple en usant d’une force temporelle ou économique, elle régnait par l’exemple. Ses actes et ses paroles inspiraient et guidaient les elfes du monde entier. Sur le Trône de Roses, dans la chambre des voix, la salle d’audience de son magnifique palais, la Reine définissait les coutumes elfiques et tous la suivaient.

On fabriquait un nouveau Trône de Roses pour le couronnement de chaque Reine et il n’y en eut pas deux pareils. Seul le nom restait le même. Depuis que j’ai découvert la corruption du bois de Wyrm, je me suis souvent demandé si le Trône de Roses n’avait pas un lien avec le terrifiant Rituel des épines. J’espère de toute mon âme qu’il n’en est rien, car mon cœur se glace à l’idée que notre ancien symbole de la beauté et de la grandeur ait quoi que ce soit à voir avec la tragédie actuelle. Mais l’image est là : chaque Rose a des épines, non ?

 

« J’ai du mal à croire que Liandre n’ait jamais entendu l’histoire selon laquelle c’est en contemplant le Trône de Roses que la reine Alachia eut l’idée de créer le Rituel des épines. Bien que je n’aie jamais vu le trône d’Alachia, d’autres mon dit qu’au dos, on avait gravé l’image d’une reine elfique parée de Roses grimpantes. »

Karon Foll, érudit elfe

 

La Reine possède de puissants pouvoirs magiques, inégalés dans tout le royaume, car elle incarne l’essence du peuple elfique. Nombre de ses pouvoirs tiennent de la magie de cérémonie et servent lors des jours de fête du calendrier de La Cour. D’autres servent à protéger et à préserver la reine. L’un des rares exemples que je peux vous donner librement lui permet de vivre plus longtemps que les dirigeants des autres cours. La reine Alachia du bois de Sang naquit avant le Châtiment, comme moi, mais les cinq siècles qui se sont écoulés entre la fermeture des kaers et ce jour l’affectent à peine.

 

 

La mort catastrophique de la reine Dallia :

 

 

Pendant des centaines et des centaines d’années, la couronne se transmit de reine en reine, sans interruption. Et comme je l’ai déjà dit, la reine régnait non seulement sur les elfes des terres que l’on nomme aujourd’hui Barsaive, mais aussi sur tous les autres elfes du monde. Mais le temps et la distance nous rendent étrangers, et il en alla ainsi pour les elfes du lointain royaume de Shosara. Sous le règne de la reine Dallia, les elfes décidèrent de prendre leurs distances vis-à-vis des coutumes de La Cour elfique et de suivre les édits de la reine uniquement quand cela les arrangeait. A leur façon, ils lui restaient fidèles et ils continuaient de l’honorer dans leur cœur comme des adolescents honorent leur mère, mais comme ces adolescents, ils aspiraient à l’indépendance. Comment la reine peut-elle comprendre la vie dans les terres du nord alors qu’elle n’y a jamais été ? Se demandaient-ils.

Quand la reine Dallia apprit que les elfes de Shosara avaient commencé à créer des traditions et des coutumes qui n’avaient pas été approuvées par la Cour elfique, elle décida de se rendre là-bas afin de mieux comprendre ses sujets du nord. Mais elle devait être bien mal récompensée pour sa compassion. La caravane royale n’avait pas plus tôt quitté le Bois de Wyrm qu’elle fut assaillie par le dragon Alamaise. Il tempêta contre la reine Dallia et sa suite et exigea réparation pour les soi-disant crimes de la Cour elfique. La reine tenta d’apaiser le dragon, mais elle ne parvint pas à le convaincre que son peuple était innocent. Et dans un accès de fureur, Alamaise tua Dallia, privant la cour elfique de son chef.

 

« Bien que Liandre affirme que le dragon tua la reine, ce n’est qu’un conte dont personne ne connaît la véracité. J’ai entendu une autre histoire sur la mort de Dallia. Elle est très répandue chez les nains et dit que la reine et sa suite moururent dans une soudaine tempête que les Passions envoyèrent pour les punir. Mais pour les punir de quoi, l’histoire ne le dit pas. »

Karon Foll, érudit elfe

 

 

L’ascension de la reine Failla :

 

 

Pendant deux ans, la cour elfique resta sans reine car aucune courtisane n’était digne de monter sur le trône. Certains se mirent même à murmurer qu’Alamaise avait peut-être raison, et que la Cour devait avoir commis quelque horrible crime pour que l’Univers accepte une catastrophe telle que le meurtre de la reine. Ces rumeurs fébriles se turent quand la reine Failla des royaumes de l’Ouest arriva au Bois de Wyrm pour revendiquer le trône. Aucune autre prétendante ne parvint à se montrer digne de diriger la cour elfique et Failla monta donc sur le Trône de Roses, à la grande joie de tous.

Si la reine Dallia s’était montrée patiente envers Shosara, Failla eut une tout autre réaction. Pendant qu’elle régnait sur les royaumes de l’Ouest, elle était restée d’une fidélité exemplaire envers la Cour elfique et elle avait obéi t au moindre caprice de la reine Dallia comme si l’existence même de son peuple en dépendait. Elle trouvait donc le moindre soupçon de désobéissance particulièrement choquant, voire insultant. Quelques semaines à peine après son couronnement, elle envoya un message aux dirigeants de Shosara en leur disant qu’ils encouraient de graves représailles s’ils s’obstinaient à suivre des coutumes que la cour n’avait pas approuvées. Ils risquaient peut-être même un véritable et terrifiant schisme.

 

 

De la séparation de Shosara et du Premier schisme :

 

 

La reine de Shosara plaida auprès de Failla pour demander patience et compassion et Elianar Messias, le conseiller favori de la reine Failla, fit écho à ces suppliques. Il affirma que la reine servirait bien mieux ses sujets shosariens en les autorisant à desserrer les liens culturels qui enchaînaient les royaumes du nord à la cour elfique, mais la reine Failla refusa de l’écouter. Aveuglément convaincue d’avoir raison, elle sépara Shosara de la Cour elfique et, quand Messias s’opposa ouvertement à cette décision elle le bannit loin de la Cour pour une durée d’un siècle. Messias se rendit alors dans un monastère des Monts Délaris, au sud-ouest du Bois de Wyrm, où il découvrit « les Livres du Tourment ».

Chaque enfant de Barsaive connaît la suite de l’histoire de Messias (l’aube de l’empire théran et l’arrivée du Châtiment), je ne la répéterai donc pas dans ces pages.

 

« Pour les lecteurs intéressés par la suite de l’histoire de Messias, « les Livres du Tourment » et la terreur qu’ils annonçaient, je vous recommande « Le Guide d’un explorateur de Barsaive » et « les écrits de Jallo Barbe-rouge ». Ces ouvrages sont tous disponibles dans la Grande Bibliothèque de Throal. »

Merrox, maître de la Salle des Archives

 

La séparation de Shosara et le bannissement de Messias étaient censés préserver l’unité de la culture elfique. Au lieu de cela, ils marquèrent le début de sa fragmentation. Le contraste entre la bonté de la reine Dallia et la dureté de la reine Failla poussèrent de nombreux royaumes elfiques de ce qui deviendrait un jour Barsaive à remettre les édits de leur reine en question.

Personne n’osa la défier ouvertement mais beaucoup y réfléchirent en secret. Et pour la première fois, nombre d’elfes du monde entier commencèrent à douter de la légitimité de leur souveraine.

 

 

Le règne tumultueux de la reine Alachia :

 

 

Liara succéda à la reine Failla et gouverna avec la poigne de fer de sa prédécesseuse. Personne n’osa se rebeller, par peur de la Séparation, mais de plus en plus d’elfes remirent les édits de la reine en question. A la mort de la reine Liara, Alachia monta sur le Trône de Roses et, pendant un temps, il sembla que Dallia était de retour. Alachia avait vu les signes de dissension grandir chez les siens et, bien qu’elle refusât d’offrir la moindre indépendance, elle habilla la main de fer de Failla et Liara d’un gant de velours.

Peu après son couronnement, elle fit en sorte que la Cour elfique soit plus ouverte aux désirs des elfes des terres lointaines. Elle rendit ainsi les coutumes des elfes encore plus désirables à leurs yeux, apaisant ainsi le cœur des dissidents. Ses efforts furent récompensés quand tous les royaumes elfiques du monde, hormis Shosara, jurèrent à nouveau fidélité à Alachia et sa cour.

Au fil du temps, les louanges que reçut Alachia et l’influence qu’elle gagna la rendirent incroyablement orgueilleuse, et cette vanité allait avoir des conséquences désastreuses sur son peuple. Alors que la Cour elfique avait de plus en plus d’influence sur les elfes du monde entier et que sa culture s’enrichissait de jour en jour, Alachia se mit à penser que les elfes étaient supérieurs aux autres Donneurs-De-Noms. Elle se mit même à se demander si la Cour elfique ne devrait pas régner sur les terres des autres races.

 

« En vérité, nombre des reines elfiques partageaient ces idées mais Alachia fut la première à agir selon elles. »

Karon Foll, érudit elfe

 

Une cinquantaine d’années après le couronnement d’Alachia, le jeune empire théran commença à négocier le précieux orichalque avec de nombreux royaumes, y compris le Bois de Wyrm. Tandis que les bénéfices des ventes d’orichalque augmentaient, la soif de posséder ce métal grandit. Il vint alors un temps où les trolls pillèrent les réserves d’orichalque de Shosara et déclenchèrent les terribles Guerres de l’orichalque. Le royaume nain de Scytha et d’innombrables pays attaquèrent la Cour elfique qui ne résista que difficilement. Furieuse que l’on osa s’attaquer à sa Cour, la reine Alachia décida que son peuple ne se soumettrait jamais à un autre. Et quand les thérans se servirent des combats continus comme excuse pour refermer leur étau sur la plupart des peuples de Barsaive, Alachia décida de garder la souveraineté de son peuple, quel qu’en fut le prix. Et cette décision déclencha les évènements majeurs que les historiens appellent le Schisme elfique.

 

 

Du schisme et du Châtiment :

 

 

Une fois que les thérans eurent traduit « les Livres du Tourment » et appris que le Châtiment approchait, ils créèrent les Rites de protection et de passage pour se protéger contre ses ravages. Ils envoyèrent ensuite des émissaires dans tous les royaumes de Barsaive et proposèrent de partager leur système de défense contre les Horreurs en échange de la loyauté et de la soumission des royaumes. La plupart des nations et des cités-États de Barsaive acceptèrent ce marché car ils craignaient plus les Horreurs que l’esclavage. Seule la reine Alachia refusa catégoriquement de céder aux exigences des thérans. Elle dédaigna orgueilleusement leur offre et déclara que les elfes n’avaient pas besoin de la magie des thérans pour se protéger.

Quand les autres royaumes elfiques apprirent la décision de leur reine, ils durent faire face à un terrible choix : soutenir leur souveraine et risquer d’être détruits ou accepter la protection thérane et se séparer de la Cour elfique. Dans son orgueil, Alachia étaient persuadée que ses sujets la suivraient. Mais la plupart, terrifiés, la renièrent et marchandèrent avec les thérans. Privée de la loyauté de tant de sujets, Alachia ne régna plus que sur une Cour elfique dont le pouvoir avait grandement diminué. Quand elle refusa la protection thérane, les elfes se divisèrent en une multitude de royaumes éparses, et chacune dut trouver seule comment survivre au Châtiment.

La reine Alachia choisit sa propre voie et ce faisant, détruisit la Cour elfique dont il ne reste que le nom. Elle décida de construire un kaer de bois, renforcée par la magie des elfes, et y plaçât tous ses espoirs alors même que les érudits elfes extérieurs à la cour lui affirmaient que ce kaer tomberait. Ce qu’il fit. Ainsi, les mesures que la Cour elfique dut prendre pour survivre privèrent tous les elfes de leur âme. Je ne m’étendrai pas plus sur la corruption de la Cour elfique car tout le monde connaît cette histoire et cela me peine de la raconter. Je vais donc plutôt vous parler des effets de cette corruption sur les elfes du Barsaive contemporain.

 

 

La révélation de la corruption du Bois de Wyrm :

 

Pendant les longs siècles du Châtiment, nombre d’elfes qui avaient quitté le Bois de Wyrm caressaient l’espoir de rejoindre la Cour elfique une fois le Châtiment terminé. Les elfes du monde entier savaient bien qu’un évènement aussi traumatisant que la destruction semée par les Horreurs ferait grand mal à leur peuple et à ses coutumes. Ils espéraient donc aider la Cour elfique à rendre grâce et beauté à leur culture. Ils croyaient naïvement que la reine Alachia oublierait sa colère envers ses sujets rebelles et leur pardonnerait cette désobéissance née d’un simple besoin de survie. Même les plus sceptiques pensaient qu’Alachia, malgré son orgueil blessé, se laisserait apaiser à l’idée de redevenir le centre culturel de son peuple.

Hélas, les espoirs de mon peuple furent vains ! Le renouement et la reconstruction dont les elfes rêvaient n’a toujours pas eu lieu, et cela ne se produira peut-être jamais. Les Horreurs nous laissèrent un monde défiguré, une parodie pervertie de son ancienne beauté, mais l’orgueil de la reine Alachia causa encore bien plus de dégâts sur sa personne et sur la Cour elfique. Pour repousser les Horreurs, la reine et ses courtisans commirent un acte désespéré et devinrent eux aussi des monstres. Ils firent pousser des épines dans leur chair et s’infligèrent ainsi une agonie sans fin. Le Bois de Wyrm, autrefois si beau, devint le Bois de Sang, un lieu à la beauté souillée par une séduisante corruption.

Loin du Bois, il fallut quelques temps avant que les elfes ne se découvrissent la terrible transformation du Bois de Wyrm. Au cours des premières années qui suivirent le Châtiment, il était difficile et dangereux de voyager à Barsaive et les rares personnes qui atteignirent les Bois de Sang moururent souvent sous les coups des elfes de sang qui protégeaient leur domaine. Ces elfes ne voyaient aucun intérêt à entrer en contact avec le monde extérieur et le reste du monde continua donc d’ignorer les terribles changements provoqués par le Châtiment. Mais à la longue, certains voyageurs réussirent à fuir le Bois de Sang (ou à persuader les elfes de sang qu’ils ne leur voulaient aucun mal) et ils rentrèrent au royaume nain de Throal pour raconter ce qui était arrivé à la cour elfique. A mesure que la nouvelle se répandait hors des frontières de Throal et gagnait tout Barsaive, les elfes qui avaient quitté le Bois apprirent la triste vérité : le cœur et l’âme du peuple elfique avait disparu. La réunification, cet espoir qui habitait le cœur et l’esprit de chaque elfe, n’était qu’une victime de plus du Châtiment.

 

 

Ce que la corruption fit de la cour elfique :

 

 

Le Châtiment et le terrible choix de la reine Alachia changèrent le rôle de la Cour elfique de manière terrible… et peut-être définitive. Avant le Châtiment, le cœur du peuple et de la culture elfique battait puissamment. La Cour accueillait les artistes, les musiciens, les artisans et les Troubadours elfes du monde entier. Les plus grands virtuoses de chaque art venaient en pèlerinage à la Cour elfique pour montrer leurs talents, échanger des histoires et offrir leur sagesse et leur expérience aux autres. En ces temps glorieux, les elfes n’étaient pas les seuls à venir. La Cour ouvrait son cœur et ses portes à tous les Donneurs-De-Noms, afin de partager les merveilles de la culture elfique avec tous ceux qui le désiraient.

La Cour donna aussi naissance à tous les rituels que les elfes observent encore à ce jour, et ceux qui vivaient là-bas les accomplissaient avec toute la beauté et le faste que les autres elfes délaissaient d’ordinaire. Les familles elfiques de nombreux royaumes demandaient à ce que leurs rites de naissance, de confirmation et de passage se déroulent à la Cour elfique. Si leur requête était acceptée, on considérait qu’ils venaient de recevoir l’un des plus grands honneurs accordés aux elfes. Et comme la Cour elfique était l’âme de son peuple, c’est elle qui compilait et conservait l’histoire des elfes et s’occupait des chroniques de chaque royaume. Les cours des royaumes elfiques de moindre importance connaissaient leur propre histoire et peut-être celles de leurs voisins les plus proches, mais seule la cour elfique savait tout ce qui était arrivé aux plus grands comme aux plus petits de ses sujets.

 

 

La Cour après le Châtiment :

 

 

La corruption physique des elfes du Bois du Sang représente le changement le plus prononcé dû au Châtiment. Les gens ont la chair de poule à la seule vue des épines qui transperce la chair des elfes de sang et souillent leur ancienne beauté. Mon peuple est beau, de corps comme d’esprit, alors que les elfes de sang ne sont que de répugnants reflets pervertis. Le plus terrifiant, c’est que leur douleur constante et leurs épines sanguinolentes ne leur ont pas volé toute beauté, elles ont simplement transformé leur saine splendeur en une séduisante invitation à la souffrance. Que l’on puisse être attiré par l’agonie, voilà probablement la plus terrifiante vérité que les elfes de sang ont révélée aux elfes.

Le Rituel des épines souilla le visage et le corps des elfes de sang. De même, leurs souffrances sans fin défigurèrent leur art. Ils continuent de peindre, de sculpter, de jouer de la musique, de danser et de faire de la magie, comme les elfes l’ont toujours fait, mais leurs créations sont souillées par le mal qu’ils ont fait à leur âme. Si un elfe de sang peint un arbre en fleur, il suffit d’observer attentivement son œuvre pour voir que le trône est en train de pourrir de l’intérieur et que ses fleurs sont attaquées par les vers, la maladie ou la pourriture. Si un elfe de sang chante ou joue de la musique, ses douces notes aériennes prennent rapidement des échos grinçants. Le son produit est toujours aussi beau, mais il est anormal. Et il en va de même pour tous les arts pratiqués par nos frères pervertis : ils gardent leur beauté extérieure mais leur cœur est sali. Les elfes de sang sont incapables de voir la beauté du monde sans la teinter de souffrance et cette vision du monde contamine tout ce qu’ils touchent.

La majorité des elfes de Barsaive et d’ailleurs ont à jamais renié la Cour elfique. Ils ne considèrent plus le royaume malade de la reine Alachia comme partie intégrante de la culture elfique, encore moins comme son cœur. Mais cette conviction cache un triste paradoxe, car tous les elfes souhaitent en secret que la Cour guérisse. Bien que tout elfe rechigne à l’admettre, nous voudrions tous restaurer la Cour elfique.

Depuis notre plus tendre enfance, nous avons été élevés dans le respect des traditions. Notre histoire nous dit que c’est à la Cour de décider ce qui est vraiment elfique. Depuis la corruption, aucune nation elfe, aucune ville, ni aucun royaume n’a repris le rôle qu’elle a abandonné. Sans la Cour elfique, nous n’avons plus de cœur et pourtant, nous ne pouvons approuver ses coutumes maléfiques.

Pour autant, depuis la fin du Châtiment, la reine Alachia affirme que la Cour reste le cœur de la culture elfique et qu’elle reste reine de tous les elfes du monde. Ce que la plupart des elfes qui ne vivent pas dans le Bois de Sang rejettent : nous pensons qu’Alachia a renoncé au Trône de Roses à l’instant même où la première épine perça sa peau. Mais sans reine et sans cour, nous sommes perdus, et chaque elfe est contraint de chercher sa propre lumière dans les ténèbres. Comme beaucoup d’autres, je redoute ce destin, à juste titre, et j’attends le jour où je pourrai à nouveau jurer amour et fidélité à la Cour elfique. Tout ceci explique pourquoi nombre d’entre nous œuvrent activement à la rénovation de la Cour.

 

 

Discussions sur les croyances spirituelles des elfes :

 

 

Les elfes sont un peuple très porté sur la spiritualité et ce sont nos traditions, nos croyances et notre culture qui nous représentent le mieux. Le seul fait d’exister en ce monde nous emplit d’une joie solennelle qui nous rend calmes et contemplatif. Et comme bien peu d’autres races disposent d’une compréhension aussi profonde que la nôtre, nous préférons garder nos pensées et nos émotions pour nous.

Malheureusement, notre silence et notre besoin d’intimité renforcent l’image d’un peuple détaché, analytique, voire froid et indifférent. Mais nous sommes bien loin de cela. Les elfes mettent toute leur passion dans ce qu’ils font mais, là où les autres races extériorisent leurs sentiments par leurs actions, les elfes les extériorisent par leur dévotion et leur discipline.

Il est très difficile d’exprimer nos croyances en quelques paragraphes, c’est pourquoi j’ai consacré un espace important à ce sujet primordial. Car un elfe découvre sa voie spirituelle dès sa petite enfance et il la parcourra toute sa vie.

 

 

Le voyage et la roue :

 

 

Un elfe considère toute vie comme un voyage fait de découvertes, de changements, de croissance et d’ascension. Pendant toute sa vie, l’elfe parcourt un chemin métaphysique représenté par la Draesis ti’Morel, la Roue de la Vie.

La Roue contient cinq chemins qui correspondent tous à une étape particulière de sa vie. En vieillissant, la Roue emmène l’elfe sur chaque chemin, jusqu’à ce qu’il atteigne son cœur. Et une fois qu’il a atteint ce cœur immobile de l’être, il se prépare pour l’ascension dans les métaplans, vers un lieu mystique que l’on appelle Tesrae ke’Mellakabal, la citadelle des êtres de lumières.

Chaque passage représente une nouvelle étape de maturité spirituelle. Bien que certains elfes ne soient pas d’accord, la plupart reconnaissent les cinq chemins suivants : Mes ti’Meraerthsa, le chemin des guerriers ; Mes ti’Telenetishsa, le chemin des érudits ; Mes ti’Cirolletishsa, le chemin des voyageurs ; Mes ti’Perritaesa, le chemin des sages et Mes ti’Raeghsa, le chemin des seigneurs. Chaque chemin est associé à un rituel et à des atours particuliers qui permettent d’identifier ceux qui le parcourent. Je vous en parlerai plus tard, dans la section dédiée à chaque chemin.

 

 

Suivre un chemin :

 

 

Quand un elfe parcourt la Roue de la vie, on dit qu’il arpente un de ses chemins. Il les parcourt dans l’ordre, du Mes ti’Meraerthsa au Mes ti’Raeghsa. Chaque « fidèle » est sensé parcourir le chemin de seigneurs avant de mourir, mais un elfe qui meurt avant son heure peut tout de même trouver sa place dans la citadelle des êtres de lumière.

Les Eoerins, les spécialistes elfes des chemins, continuent de débattre pour savoir quand un elfe quitte un chemin pour en prendre un autre. Certains disent qu’il emprunte le chemin suivant quand il atteint le Huitième Cercle de la discipline qu’il a choisie pour représenter son voyage sur ce chemin. Selon les défenseurs de cette théorie, les Sa’mistishsa, ou « fidèles stricts », un elfe qui empreinte un nouveau chemin doit changer de discipline afin de marquer la nouvelle étape de son voyage. A cette période, que l’on appelle le Chaele ti’Désach, « les jours du changement », l’elfe peut donc changer de discipline mais aussi de compagnon. Je développerai ce point plus tard, dans la partie consacrée aux rituels du mariage. D’autres Eoerins n’envisagent pas le changement de chemin de façon aussi littérale. Comme les chemins représentent le voyage de l’esprit, ils pensent que le fait de passer de l’un à l’autre ne doit pas avoir de conséquence physique. Un elfe peut donc garder la même discipline pendant qu’il parcourt chaque chemin et rester avec le même compagnon (s’il en a un). Selon les partisans de cette théorie, les Dae’mistishsa ou « fidèles libres », seul le fidèle sait quand il change de chemin, même si cette transition est souvent marquée par un évènement important.

Je ne peux pas vous dire qui a raison. Chaque elfe doit choisir ses croyances en la matière et tous les fidèles respectent le choix des autres car, d’une manière ou d’une autre, nous parcourons tous la Roue de la vie.

 

« Liandre est soit terriblement naïf soit en train de se leurrer. Certaines communautés elfes sont si influencées par les Sa’mistishsa ou les Dae’mistishsa qu’elles chassent tous les elfes qui pensent différemment. Chaque école comporte de nombreux fanatiques, dont beaucoup sont aussi questeurs et considèrent l’autre école comme une hérésie. »

Merrox, maître de la Salle des Archives

 

 

Des différents chemins :

 

 

Les Fidèles associent au moins cinq éléments (parfois six ou sept) aux cinq chemins qui mènent à la transformation et à l’ascension de l’esprit elfique vers le Tesrae ke’Mellakabal : la couleur, les atours, les éléments, les heures, l’âge et, dans certaines écoles spécifiques, les Passions et les disciplines. Je vais tenter de vous expliquer chacune de ces associations.

 

 

Des couleurs :

 

 

Un fidèle symbolise le chemin qu’il parcourt à travers les couleurs de ses habits, afin que tous sachent quel chemin il suit et lui montrent le respect qui convient.

 

 

Des atours :

 

 

Les symboles, les sigles, les dessins, les bijoux et les objets sacrés représentent tous le chemin du fidèle. Les atours choisis varient grandement d’un fidèle à l’autre.

 

 

Des éléments :

 

 

Chaque chemin est associé à un élément : la terre, l’air, le feu, l’eau ou le bois. Ces éléments et tout objet fabriqué à partir d’eux possèdent donc une importance particulière pour le fidèle qui suit leur chemin.

 

 

Des heures :

 

 

Certaines heures de la journée revêtent une importance particulière pour les fidèles. A ces heures, le fidèle doit accomplir un rituel particulier, semblable au rituel de karma des adeptes, mais centrés sur le chemin du fidèle.

 

 

Des âges :

 

 

L’âge associé à chaque chemin sert de référence pour savoir à quelle période de la vie l’elfe doit passer au chemin suivant. De nombreux Dae’mistishsa considèrent que l’anniversaire de l’année en question correspond au point de passage vers le nouveau chemin.

 

 

Des Passions :

 

 

Certains Eoerin et certains fidèles, mais pas tous, pensent qu’une Passion guide le fidèle sur chaque chemin. D’autres pensent que toutes les Passions veillent sur le fidèle tout au long de son voyage. La plupart des elfes suivent le second courant de pensée tandis que ceux qui adoptent le premier point de vue sont appelés les Beletres, les Passionnés.

 

 

Des disciplines :

 

 

La discipline que suit le fidèle pendant qu’il parcourt un chemin donné est au cœur du débat entre les Sa’mistishsa et les Dae’mistishsa. Les Sa’mistishsa pensent qu’un fidèle ne peut suivre qu’une discipline par chemin et doit en changer à chaque chemin tandis que les Dae’mistishsa pensent que le fidèle peut suivre autant de disciplines qu’il le veut et en changer à n’importe quel période de son voyage, tant que cette discipline ne s’oppose pas aux principes philosophiques de son chemin. Il est intéressant de noter que les Dae’mistishsa pensent que chaque chemin correspond seulement à quelques disciplines. J’ai indiqué les disciplines reconnues par les Sa’mistishsa et les Dae’mistishsa dans la description de chaque chemin. Mes ti’Raeghsa, le chemin des seigneurs, n’est pas associé à une discipline particulière. Les fidèles de ce chemin évoluent dans tous les domaines et accroissent leurs connaissances jusqu’à ce qu’ils soient prêts à partir pour les métaplans.

 

 

Mes ti’Meraerthsa :

 

 

Les couleurs liées au chemin des guerriers sont des teintes sombres couleur de terre, comme le noir, le marron, le gris ou le rouge sombre. Les fidèles de ce chemin portent souvent des vêtements à la coupe sévère, rehaussés de broderies ou de joyaux aux angles abrupts. Ils portent des épées ou d’autres armes. Ce chemin est lié à la terre et à minuit. Chaque fidèle commence par emprunter ce chemin entre sa majorité et sa soixantième année. Certains elfes pensent que le chemin des guerriers appartient à Thystonius, Passion du courage et des conflits. Les Sa’mistishsa associent ce chemin avec la Discipline de Guerrier et beaucoup de Dae’mistishsa l’associent aussi avec celles de Maître des animaux ou du Voleur.

Le chemin des guerriers teste la force et les aptitudes physiques de l’elfe. En suivant ce chemin, chaque elfe découvre les limites de son corps. L’émotion l’emporte sur la raison et l’instinct prime sur la réflexion. Quand le fidèle parcourt ce chemin, il découvre les merveilles et les dangers de ce monde. Il n’a pas de temps à consacrer au débat et à la philosophie car il agit bien trop vite pour réfléchir.

 

 

Mes ti’Telenetishsa :

 

 

Les couleurs liées au chemin des érudits sont des riches teintes rouges et jaune vif. Les atours de prédilection de ces fidèles comprennent de riches broderies, des motifs texturés et des représentations du feu, du soleil, etc. Ce chemin est lié au feu et à midi. Un elfe suit ce chemin entre soixante et cent-vingt ans. Certains elfes pensent que Floranuus la Passion réjouissances, de l’énergie, du mouvement et de la victoire guide les pas de ceux qui parcourent ce chemin.

Les Sa’mistishsa associent ce chemin avec la Discipline d’Élémentaliste et beaucoup de Dae’mistishsa l’associent aussi avec celles de l’Archer, du Cavalier ou du Maître d’armes.

Le fidèle qui suit ce chemin commence à explorer sa nature intérieure. Le chemin des érudits n’appelle pas à l’introspection mais à l’exploration des raisons qui se cachent derrière chaque action. Celui qui parcourt ce chemin examine les objectifs, définit les motivations et révèle les intentions. Il agit encore dans le monde physique, mais délibérément, dans un but bien précis. En suivant ce chemin, le fidèle commence à percevoir les mécanismes du monde et de sa personne.

 

 

Mes ti’Cirolletishsa :

 

 

Les couleurs liées au chemin des voyageurs sont des teintes pâles qui rappellent la mer et le ciel, dans les tons de bleus, de verts et de de blancs. Les atours de prédilection de ces fidèles comprennent des dessins et des motifs flamboyants, des instruments de musique ou d’écriture, etc. Ce chemin est lié à l’air et à midi. Un elfe suit généralement ce chemin entre cent-vingt et cent-quatre-vingts ans. Beaucoup d’elfes pensent qu’Astendar, la Passion de l’amour, de la musique et des arts veille sur ce chemin. Les Sa’mistishsa associent ce chemin avec la Discipline de Troubadour et beaucoup de Dae’mistishsa l’associent aussi avec celles d’Illusionniste et de Forgeron.

Les fidèles qui suivent ce chemin passent du monde intérieur au monde extérieur. Au cours du Mes ti’Telenetishsa, le fidèle explore la relation intérieure entre les pensées et les actions., celui qui suit le chemin des voyageurs découvre les relations entre les actions ou entre les inspirations et leurs expressions. En parcourant ce chemin, l’elfe commence à percevoir la trame complexe qui relie toutes choses. Nombre de fidèles du Mes ti’Cirolletishsa se placent près des centres de pouvoir ou s’engagent dans de grandes aventures. C’est dans ces endroits périlleux que le fidèle est le plus à même de voir les liens du monde physique, grâce aux contes, aux histoires, et aux légendes.

 

 

Mes ti’Perritaesa :

 

 

Les couleurs du chemin des sages sont faites de teintes riches et sombres, comme le bleu et le rouge foncé, l’or et le noir. Les atours de prédilection de ce chemin incluent des œuvres d’art symboliques et abstraites, chargés de dessins détaillés et des symboles mystiques. Ce chemin est lié à l’eau et au coucher du soleil. Un elfe parcourt ce chemin entre cent-quatre-vingts et deux-cents-quarante ans. Certains elfes disent que Jaspree, la Passion de la végétation, du travail de la terre et de l’amour de la vie sauvage guide les fidèles qui arpentent ce chemin.

Les Sa’mistishsa associent ce chemin à la Discipline de Sorcier et certains Dae’mistishsa reconnaissent aussi les Nécromanciens.

Celui qui parcourt le chemin des sages se tourne à nouveau vers le monde intérieur et le trouvent bien plus complexe que le monde extérieur. Le fidèle commence à appréhender les liens entre chaque chose, à voir des trames et à comprendre des vérités qui lui étaient autrefois cachées. Les cycles de la nature deviennent limpides et il commence à comprendre les véritables mécanismes du monde. Les révélations abondent tandis que le fidèle perçoit les causes qui se cachent derrière les évènements apparemment sans rapport. Alors que le fidèle parcourt ce chemin, son esprit émerge et commence à se diriger vers le centre.

 

 

Mes ti’Raeghsa :

 

 

Le chemin des seigneurs est associé à l’or, à l’argent et au bronze. Les atours de prédilection de ce chemin se composent de broderies et d’œuvres d’art composées de dessins simples qui comportent des symboles empreints d’une profonde signification personnelle. Ce chemin est lié au bois et pour ses fidèles, chaque heure est sacrée. Un elfe parcourt généralement ce chemin entre deux-cents-quarante et trois-cents ans. Certains elfes pensent que ce chemin appartient à Mynbruje, la Passion de la justice, de la compassion de l’empathie et de la vérité.

Tous les elfes, qu’ils appartiennent aux Sa’mistishsa ou aux Dae’mistishsa considèrent que l’on peut associer toutes les disciplines à ce chemin.

Les fidèles du chemin des seigneurs atteignent l’harmonie complète en équilibrant leur corps avec leur esprit. Une fois que le fidèle a gagné la maîtrise de sa personne et du monde qui l’entoure, il peut se pencher sur tous les mystères du monde et les contrôler alors qu’il cherche l’équilibre parfait entre sa personne et son esprit. Une fois qu’il a atteint cet équilibre, les portes des métaplans s’ouvriront et il pourra continuer son voyage vers le Tesrae ke’Mellakabal.

Mes ti’Raeghsa est un chemin empreint de calme mais aussi d’un grand pouvoir. Le fidèle utilise tout ce qu’il a appris pour se préparer à entrer dans la Citadelle des êtres de lumière. Personne ne sait quand les portes du Tesrae ke’Mellakabal s’ouvriront pour lui et le fidèle doit donc toujours être prêt.

 

« Pour une elfe aussi bien renseigné que Liandre sur les coutumes des autres races, je trouve qu’il est intéressant de noter qu’il considère chaque détail de la spiritualité elfique comme des faits objectifs plutôt que comme une manière subjective d’expliquer la place des elfes dans le monde. Il écrit comme si les croyances spirituelles des elfes étaient « vraies » et que celles des autres étaient, par conséquent, moins « vraies ». Je me demande si quelqu’un d’autre n’a pas participé à la rédaction de cette partie des écrits de Liandre ? »

Jerriv Forrim

 

 

Des rituels elfiques :

 

 

Les rituels prennent une importance particulière dans la vie spirituelle d’un elfe. La plupart de ces rituels requièrent l’emploi de la magie et se déroulent à des périodes clefs de la vie, comme la naissance, le baptême, la majorité, le mariage, la mort et bien d’autres évènements. La plupart des elfes ne souhaitent pas partager leurs mystères les plus profonds et leurs traditions les plus sacrées avec les membres des autres races. C’est pourquoi nous célébrons peu de rituels dans les villes et villages à population mixte, les participants se rendent souvent dans une communauté elfique afin d’être au cœur de la nature et entourés des leurs (je vous parlerai des communautés elfiques plus tard, dans la section intitulée « De la répartition des elfes de Barsaive »).

Les détails de chaque rituel varient d’une communauté à l’autre et d’un individu à l’autre, mais je vais vous décrire les versions les plus communes des rituels elfiques les plus importants.

 

 

Des rites qui entourent la naissance :

 

 

Comme tous les Donneurs-De-Noms, les elfes accordent plus de valeur à la naissance d’une vie nouvelle qu’à toute autre chose. Pour nous, l’arrivée d’un nouveau fidèle sur la Roue de la vie est sujet à réjouissances. Pendant la grossesse, dès que la mère peut sentir l’enfant bouger en elle, ses proches (et même toute sa communauté si elle vit dans un village elfique) l’inondent de cadeaux et veillent sur elle. Les rites sacrés ne commencent pourtant pas avant le dixième mois de grossesse.

La parente la plus proche de la future mère vient vivre avec elle pendant le dernier mois de grossesse. On l’appelle la dresner, ou « assistante ». Elle aide la future mère et s’occupe des travaux ménagers. Si la mère n’a pas de parente proche, une de ses meilleures amies peut remplir le rôle de dresner.

Au moment de la naissance, la dresner et la sage-femme aident la future mère à se rendre dans la salle d’accouchement. Une fois qu’elles ont fermé la porte de cette pièce, seules ces trois femmes peuvent entrer avant la naissance de l’enfant. La sage-femme porte des habits ornés des symboles de la Mère-qui-veille-sur-nous afin de s’assurer que l’enfant recevra la bénédiction de Garlen.

Pendant que la mère, la dresner et la sage-femme travaillent à mettre l’enfant au monde, les parents et les amis rassemblent pour le rituel appelé Ar’laana ou « l’attente ». Une semaine avant la naissance, ces privilégiés se rassemblent dans la maison des futurs parents ou dans une maison voisine et reprennent les histoires et les chants des ancêtres de l’enfant à naître. Ils inventent aussi des histoires sur les futurs exploits de l’enfant. Chaque personne présente lors de Ar’laana ajoute un ornement ou une broderie sur une paire de bottes destinée à l’enfant, afin de représenter ses premiers pas sur la Draesis ti’Morel.

Une fois que l’enfant est né, la sage-femme le présente à son père. Qu’il naisse de jour ou de nuit, pendant une belle journée ou sous un orage, le père emporte l’enfant dehors et lui montre le ciel. Et alors qu’il lève son enfant et l’expose aux éléments, il annonce qu’un nouveau fidèle est né.

 

 

Du rite de confirmation :

 

 

Chaque enfant est baptisé dans les trois jours qui suivent sa naissance, lors d’un rituel que les elfes appellent rituel de confirmation. Quand j’étais enfant, avant le Châtiment, on ne baptisait pas l’enfant avant 31 jours, afin que les parents aient le temps de bien choisir son nom. La rudesse de la vie dans les kaers nous a forcé à réduire cette période car bien trop d’enfants mourraient sans avoir reçu de nom.

Les parents choisissent trois témoins pour le rituel de la Confirmation. Tous les elfes de la communauté de la communauté peuvent assister à la cérémonie mais les témoins jouent un rôle particulier. Ils sont témoins du baptême de l’enfant et ils jurent de s’occuper de l’enfant et de le protéger si ses parents ne le peuvent pas. Ils gardent cette responsabilité jusqu’au rituel de Passage de l’enfant, rituel qui marque l’entrée dans l’âge adulte.

Les parents s’isolent pendant la majorité des trois jours qui séparent la naissance du baptême, afin de méditer sur les espoirs et les rêves qu’ils placent en leur enfant et de garder leur amour pour lui au premier plan de leurs pensées. Ainsi, les parents sont sûrs de choisir le nom qui convient pour leur enfant et de garder leur amour pour lui au premier plan de leurs pensées. Ainsi, les parents sont sûrs de choisir le nom qui convient pour leur enfant, un nom qui reflète souvent un aspect de son lignage. Une fois que les parents ont choisi ce nom, ils emmènent l’enfant dans un endroit du village qui possède une certaine importance pour eux. Les témoins et les autres invités les suivent et, quand ils se sont tous rassemblés, les parents prononcent le nom de l’enfant devant les témoins. Chaque témoin répète alors le nom de l’enfant et jure de le protéger jusqu’à son rituel de Passage. Après ces vœux, la mère coupe en petits morceaux un fruit qu’elle a ramassé sur un arbre voisin ou apporté avec elle. Les parents partagent les tranches de ce fruit, le masa’e ou « graine de la naissance », avec les témoins et l’enfant, chacun en prenant une bouchée. Le partage du masa’e symbolise la nouvelle vie que partagent à présent tous ceux qui ont participé au rituel.

 

 

Du rituel de Passage :

 

 

Quand un elfe entre dans sa vingtaine d’année, il accomplit le rite de Passage. A la fin de ce rituel, le nouvel adulte est seul responsable de son voyage le long de la Roue. S’il le souhaite, il peut chercher une compagne ou un compagnon mais bien peu d’elfes se marient si jeunes. En général, ils quittent leur foyer peu après le rite de Passage, dans l’espoir d’aider le monde à guérir des blessures laissées par le Châtiment.

Le rite de Passage se déroule en deux étapes, la première ayant lieu sept jour avant le vingtième anniversaire de l’elfe. L’elfe jeûne de l‘aube au crépuscule, il peut boire un peu d’eau ou de vin mais il ne doit rien manger. Au crépuscule, il se rend dans les bois pour y dormir et, avant d’être emporté par le sommeil, il réfléchit à ce qu’il compte faire de sa vie. Toute la nuit, il rêve de son futur. Il rentre chez lui à l’aube et fabrique un objet qui symbolise ses rêves. Un elfe qui a rêvé de devenir guérisseur peut fabriquer une bourse d’herbes médicinales tandis qu’un aventurier fabriquera une arme, etc. Quel que soit l’objet, l’elfe doit le terminer avant l’aube de son anniversaire. Tandis qu’il travaille, l’elfe pense à sa vision et découvre, enfoui en lui, son nouveau nom d’adulte.

La deuxième étape du rite de Passage se déroule le jour des vingt ans de l’elfe. Avec ses parents et les témoins de son rite de Confirmation, il se rend dans la forêt, dans un endroit isolé. L’elfe s’adresse tour à tour à chaque témoin et à ses parents, pour les remercier de l’amour qu’ils lui ont donné et des conseils qu’ils lui ont prodigué pendant toute son enfance. Il leur dit qu’il est maintenant adulte et n’a plus besoin qu’on le protège. Il leur annonce son nouveau nom. Les témoins et les parents répètent ensuite ce Nom, chacun à son tour, pour accueillir solennellement l’elfe dans la communauté des adultes.

Dans beaucoup de communautés elfiques, on combine la phase de jeûne et le rêve dans la forêt avec une épreuve de courage. Si l’elfe échoue, il doit attendre un an et un jour avant de tenter à nouveau le rite de Passage. Ces épreuves rituelles sont particulièrement difficiles car les jeunes elfes n’ont pas reçu un entraînement d’adepte. En effet, le changement de nom entre l’enfance et l’âge adulte ruinerait tout ce qu’ils auraient appris auparavant en tant qu’adepte.

 

 

Des deux rituels du Mariage :

 

 

Les rites de mariage elfiques se ressemblent énormément d’une communauté à l’autre, mais les coutumes qui les entourent diffèrent beaucoup entre les Sa’mistishsa et les Dae’mistishsa. Chez les premiers, un elfe peut changer de compagnon ou de compagne quand il change de chemin et de discipline, alors que les seconds se marient pour la vie.

Que l’elfe appartienne aux Sa’mistishsa ou aux Dae’mistishsa, il doit d’abord courtiser l’élu(e) de son cœur.

Pour cela, il peut composer des chansons ou des poèmes pour louer l’être aimé ou lui façonner un bijou. Une simple fleur peut souvent devenir un symbole d’amour éternel (je développerai cela plus loin, dans la section intitulée « La coutume de la fleur du désir »). Si les sentiments du (de la) soupirant(e) sont partagés, il (elle) doit demander la main de l’élu(e) de son cœur à ses parents ou à ses tuteurs. En général, ces derniers donnent toujours leur permission et les deux familles s’affairent aux préparatifs du mariage.

Pendant le rite de mariage, les jeunes mariés se jurent amour et fidélité devant leurs parents ou leurs tuteurs. Dans la plupart des communautés elfiques, ce serment se déroule sous forme de chant dont chaque marié écrit un couplet sur deux. Les jeunes époux sont habillés de feuilles et de fleurs cousues ensemble et portent une couronne de Roses. Une fois qu’ils ont chanté leurs vœux, la mariée tire une Rose de sa couronne et la tend à son époux (ou son épouse). Il tire à son tour une fleur de sa couronne et la tend à sa femme (ou son mari). Cet échange scelle le contrat de mariage et les familles nouvellement unies annoncent le début des festivités. Tous les habitants du village sont conviés à ces réjouissances qui durent un ou plusieurs jours et incluent des chants et des contes en l’honneur des jeunes mariés. Quand on rompt le pain pour la première fois, les mariés entrelacent les tiges de leur Roses maritales. Ils les conservent ainsi jusqu’à ce que l’un d’eux meure ou atteigne le Chaele ti’Désach et décide de mettre un terme au mariage.

Les Sa’mistishsa pensent que la fin d’un chemin et le début d’un autre doivent être symbolisés par de grands changements dans tous les domaines. Pendant le Chaele ti’Désach, les elfes mariés se retirent ensemble pour déterminer si leurs vies prennent la même orientation ou non. Si les deux époux pensent que oui, ils restent mariés jusqu’au prochain Chaele ti’Désach. Si l’un des époux, ou les deux, pense que son nouveau chemin exige un nouveau compagnon (ou une nouvelle compagne) ou une période de célibat, les mariés entament le rituel de Ke Seorach, la Rupture.

Tous les membres de la communauté doivent assister à cette cérémonie qui se déroule à l’endroit même où le couple s’est marié. Avant le rituel, l’elfe qui change de chemin choisit un gardien du serment dans sa famille, ses tuteurs ou ses amis. Ce gardien doit déjà arpenter le chemin que l’elfe s’apprête à prendre. Quand tout le village s’est rassemblé pour la Rupture, les mariés s’avancent devant le gardien du serment. Chacun annonce son intention de mettre fin au mariage et donne ses raisons. Ils remettent ensuite les Roses maritales au gardien qui les sépare délicatement avant d’en remettre une à l’époux et l’autre à sa femme. Les anciens mariés jettent alors leur Rose par terre et la piétine jusqu’à la réduire en poudre. Cet acte symbolise leur rupture et, à partir de là, les elfes ne sont plus mari et femme.

Chez les Dae’mistishsa, la Rupture est considérée, au mieux comme un agréable vestige des temps obscurs, au mieux comme un grave déshonneur. Les Dae’mistishsa se marient pour la vie, c’est pourquoi la plupart d’entre eux ne se marient pas avant d’avoir au moins un siècle. Ces mariages tardifs peuvent sembler étranges ou anormaux pour les Donneurs-De-Noms à la vie plus courte mais il faut bien comprendre que le mariage n’a pas la même signification chez les elfes que chez bon nombre d’autres races. Pour les humains, les t’skrangs, les sylphelins, les nains, par exemple, le mariage revient souvent à avoir des enfants et à profiter de la compagnie de son époux(se). Ce n’est pas le cas pour les elfes. Le mariage elfique a pour but de donner un compagnon au cœur et à l’âme de l’elfe, pas seulement à son corps. D’ailleurs, les elfes peuvent avoir des enfants qu’ils soient mariés ou non.

Dans une famille humaine, on dit souvent que l’enfant dont le père et la mère ne sont pas mariés n’a pas de père car ce dernier ne participe pas forcément à son éducation. Chez les elfes, tout homme qui engendre un enfant aide sa mère à l’élever, qu’il soit marié avec elle ou non. Les elfes appellent ce lien entre parents non-mariés niach mawr, « le lien de l’enfant ». Les niach mawryn éprouvent souvent de l’amitié et de l’affection l’un pour l’autre, mais ce ne sont pas des âmes sœurs, comme c’est le cas dans les couples mariés. Ils peuvent donc facilement briser ce lien une fois l’enfant adulte. Le niach mawr est très important chez les Dae’mistishsa qui se marient généralement une fois qu’ils ne peuvent plus avoir d’enfant.

 

 

La coutume de la fleur du désir :

 

 

Quand un ou une elfe désire une personne de sa connaissance, il ou elle le montre en portant une unique fleur dans ses cheveux ou sur ses vêtements. Il ou elle la garde jusqu’à ce qu’elle fane ou que l’objet de ses désirs lui réponde. La coutume veut que tous ceux qui connaissent cet elfe tentent de déterminer s’il est oui ou non la personne désirée. Le porteur de la fleur n’a pas besoin d’expliciter sa préférence et cette coutume fonctionne particulièrement bien chez des elfes qui ont du mal à approcher l’objet de leur désir.

Les soupirants opiniâtres remplacent souvent la fleur fanée par un nouveau bouton. Ceux qui gardent la fleur fanée indiquent que leur amour va au-delà du simple désir.

 

« Le lecteur remarquera que les relations sexuelles entre elfes sont choses courantes, que les amants soient mariés ou non. Dans certaines communautés, les elfes affichent leur désir avant même d’accomplir le rite de Passage. Les elfes considèrent ces relations passagères comme des expériences enrichissantes mais désapprouvent les individus qui prennent trop de liberté avec les sentiments des autres. »

Thom Edrull

 

 

Des rites associés à la mort :

 

 

Beaucoup de races considèrent que la mort et une tragédie dont on ne doit pas parler à moins d’y être contraint. Les elfes, eux, pensent que l’esprit du défunt survit dans les souvenirs et les actes de ses proches, c’est pourquoi ils parlent volontiers et avec joie de leurs morts : ce n’est qu’ainsi que les défunts continuent de vivre. Bien que les elfes considèrent aussi la mort comme un triste événement, cette tristesse s’adresse aux vivants qui regrettent la présence physique de l’être aimé. C’est une tristesse douce-amère qui n’engendre aucune peur de la mort.

A la mort de l’elfe, ses proches accomplissent le rituel de la Vie éternelle. Beaucoup d’elfes âgés anticipent leur mort et l’annoncent à leur entourage, afin que leurs amis et leur famille aient plus de facilité à préparer le rituel. Tous les proches du défunt doivent participer au rituel de la Vie éternelle, c’est pourquoi les elfes ne sont pas les seuls Donneurs-De-Noms à y participer. C’est d’ailleurs le seul rituel elfique qui le permette.

Le rituel se déroule à minuit, loin de toute habitation. Chaque participant tint une unique source de lumière éteinte : une chandelle, une torche, ou un quartz lumineux. Chaque participant partage son meilleur souvenir du défunt avec le reste de l’assemblée, en commençant par sa compagne ou son compagnon ou par son plus proche parent. Et alors que la personne parle, elle allume sa chandelle, sa torche ou son cristal. Le compagnon ou le parent s’avance ensuite au centre de ce cercle de douce lumière et raconte l’histoire tirée de la vie du défunt, qu’il souhaite partager avec l’assemblée. Il annonce aussi quels objets le mort a choisi de léguer à ses héritiers. Une fois qu’il a terminé, tous éteignent leur source de lumière et prononcent à l’unisson le nom du défunt. Dans ces nouvelles ténèbres, tous quittent le site du rituel sans prononcer un mot de plus.

Si un elfe a le choix, il décidera toujours de mourir en extérieur, au cœur de la nature. Et même si un elfe meurt sans avoir bénéficié du rituel de la Vie éternelle, il vivra tout de même en esprit tant que son souvenir vivra dans les pensées, dans les paroles ou dans les actions de quelqu’un.

 

 

Le don de l’objet ancestral :

 

 

Quand un elfe âgé sent la mort approcher, il est de coutume qu’il offre l’un de ses objets de trame à un parent de la plus jeune génération. Ce cadeau symbolise l’espoir que la plus vieille génération place dans la plus jeune, l’espoir que les jeunes continueront de pratiquer les coutumes et les traditions elfiques. Le jeune elfe qui reçoit ce genre de cadeau le traite ensuite comme un précieux héritage. Le perdre ou pire, le laisser de côté, annonce de terribles calamités.

 

 

Une mort créatrice de vie :

 

 

Depuis que nous avons émergé des kaers, dans de nombreuses communautés, nous avons pris l’habitude de créer une nouvelle vie à partir des morts. Quand un elfe perd un ami proche, il plante une graine d’arbre au nom du défunt. Il doit ensuite revenir un an et un jour plus tard voir si la graine a germé. Si ce n’est pas le cas, il doit planter un autre arbre. Une fois que l’arbre commence à pousser, l’elfe le baptise en l’honneur de son ami décédé. Il n’est pas obligé de revenir voir l’arbre, mais il est de coutume de prendre soin de ce mémorial vivant. A ma connaissance, aucun elfe n’accomplit cela pour un membre de sa famille et cet arbre ne remplace pas le rituel de la Vie éternelle.

 

 

De l’art et de l’artisanat des elfes :

 

 

Contrairement aux autres Donneurs-De-Noms, les elfes nourrissent et perpétuent leurs arts et leurs traditions d’une génération à l’autre. Chaque elfe apprend les arts de son peuple dès son plus jeune âge. Il apprend la peinture, la sculpture, la danse et le chant, comme il apprend à marcher et à parler. Cette immersion dans l’art elfique permet à l’enfant de préserver les traditions et l’héritage de son peuple tout au long de sa vie. Notre race a une histoire et des traditions ancestrales et nous devons les transmettre aux générations futures. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons rester un seul et même peuple. Depuis la fin du Châtiment et la corruption de la Cour elfique, cette continuité culturelle est devenue d’autant plus importante pour notre survie spirituelle.

 

« En réalité, la majorité des Donneurs-De-Noms enseignent les traditions de leur peuple à leurs enfants dès leur plus jeune âge. C’est ce que font les nains, en tout cas. »

Merrox, maître de la Salle des Archives

 

Les elfes ont peu d’enfants mais notre grande espérance de vie nous permet de transmettre directement notre histoire, nos traditions et notre culture aux générations suivantes, comme aucun autre Donneur-De-Noms ne le peut. Par exemple, je suis le père d’une enfant qui est mère d’un elfe lui-même devenu père, etc. Je suis donc le plus âgé d’une famille qui regroupe cinq générations et j’ai partagé mes connaissances de la tradition elfique avec ma fille, mon petit-fils et toutes les générations nées depuis. Et ma fille a aussi transmis son savoir à son fils qui l’a enseigné au sien, etc.

Sans le reth’im, les elfes ne différeraient pas des autres Donneurs-De-Noms. Malheureusement, nous avons passé des siècles sous terre et la Cour elfique a été corrompue, causant beaucoup de tort à notre culture et à nos traditions. Une grande partie de notre culture naquit des beautés de la nature et, dans nos abris, nous ne pûmes pas observer ces traditions. Maintenant que notre emprisonnement a pris fin, chaque elfe consacre sa vie à restaurer et recréer les coutumes elfiques perdues et à préserver les traditions et les arts qui nous restent.

 

« Reth’im est le mot sperethiel pour la culture elfique. En throalique, ce mot signifie « être un elfe ». Tous les elfes de ma connaissance partagent cette vision du reth’im et j’en connais beaucoup. »

Karon Foll

 

Nous autres elfes, nous considérons comme les enfants de la nature, et nous essayons donc d’intégrer sa beauté et sa majesté dans tout ce que nous créons. Pour les elfes, toutes les merveilles du monde sont en harmonie. Chaque œuvre que nous créons, chaque chanson que nous composons, chaque conte ou chaque légende que nous partageons reflète cet équilibre et, d’une manière ou d’une autre, entre en résonance avec les autres arts et artisanats que nous pratiquons. Un Forgeron elfe, par exemple, ne se contente pas de façonner une lame bien équilibrée, facile à tenir en main et rapide à tuer quand il la faut. Bien sûr, elle remplit tous ces critères, mais c’est aussi une sculpture d’une beauté incomparable. Elle incarne la fusion de l’art et de l’artisanat.

 

Des divers arts elfiques :

 

 

Dès la naissance, chaque elfe exprime son âme dans ses œuvres d’art. Cette vie dévouée permet à l’art elfique de bénéficier d’une réputation méritée de beauté insurpassable, aussi bien en Barsaive que dans le monde entier. Il adopte tant de forme que, par souci de concision, je me suis limité ici aux arts les plus répandus.

 

 

Du noble art de la peinture :

 

 

Les peintres elfiques utilisent une vaste palette de couleurs qui va du bleu saphir au vert forestier en passant par des jaunes et des rouges flamboyants. Les peintures elfiques représentent souvent les formes belles et complexes qu’adopte la nature ou les portraits des elfes les plus célèbres. Les sujets naturels regroupent les ruisseaux et les cascades, la canopée feuillue des plus hauts arbres d’une forêt ou d’une jungle, un champ caressé par le soleil, etc. Ces sujets ont beau paraître simples, il n’en est rien. L’artiste elfe les choisis pour tester son talent face à la difficulté qu’il y a à représenter toute la beauté de ces merveilles si « simples ».

Les portraits elfiques doivent représenter l’âme de leur sujet aussi bien que ses traits physiques. Avant le Châtiment, les elfes autorisés à peindre le portrait de la reine des elfes recevaient là un honneur sans commune mesure. Mais le Châtiment affecte la peinture comme il affecta tant d’autres aspects de la vie des elfes. Dans les communautés purement elfiques, les artistes qui peignent les Horreurs ou la corruption ne les représentent pas de façon réaliste car ces sujets sont bien trop terribles pour cela. Ils recourent donc à des images et à des symboles. Au lieu de représenter la véritable apparence d’une Horreur, l’artiste utilise certaines couleurs, comme de sombres gris et des bruns et noirs mouchetés pour les représenter.

Certains artistes peignent les âmes corrompues en leur donnant une ombre bien plus sombre que celle des autres personnages de leur tableau ou en les en privant. Ce symbolisme a aussi donné une variante en musique dont je parlerai plus tard.

 

 

De la sculpture :

 

 

La plupart des sculpteurs elfiques préfèrent travailler le bois car cet élément abondant est très précieux à nos yeux. Parfois, un elfe sculpte la pierre ou les gemmes et, pour les pièces particulièrement élaborées, il lui arrive même d’utiliser du cuivre ou du bronze. Les sculptures elfiques symbolisent souvent nos croyances spirituelles ou représentent les Passions et leurs symboles ou encore les divers aspects des chemins spirituels que nous parcourons. Les dessins complexes qui rappellent le monde naturel sont caractéristiques de la sculpture elfique. Seuls les sylphelins parviennent presque à égaler l’art elfique dans ce domaine, car ils tirent parti de leurs mains et doigts minuscules.

 

 

Des tapisseries :

 

 

La broderie elfique, une méthode très populaire pour décorer les vêtements, prend toute sa noblesse sur les vastes tapisseries qui représentent des batailles, des légendes ou des contes. On dit que l’une des plus belles pièces de cet art est cachée dans le palais de la reine Alachia, dans le Bois de Sang, et représente la grandeur de la Cour elfique sous le règne de la bien-aimée reine Dallia. La reine Failla ordonnât qu’on retire cette tapisserie après le Schisme avec Shosara. La légende dit qu’‘elle l’a fit brûler mais la plupart des sages de renom affirment qu’Alachia la cache dans ses appartements privés.

 

 

De la beauté de la musique elfique :

 

 

En Barsaive, la musique est le plus connu des arts elfiques en raison de sa beauté et de son lyrisme sans égal. Les douces mélodies des elfes peuvent même calmer la frénésie d’un troll ou d’un ork, et les musiciens royaux du royaume de Throal préfèrent la musique de chambre elfique à toute autre. Beaucoup disent, et pas seulement les elfes, que la Passion Astendar pleure de joie quand elle entend cette musique.

Les elfes ont transmis les traditions des bardes à tous les Donneurs-De-Noms et leur ont appris à écrire la musique, et de nombreux elfes affirment que c’est Astendar elle-même qui nous enseigna ces arts.

Une composition elfique, chantée ou jouée, est toujours marquée par des envolées et de riches harmonies sonores. Les chants elfiques couvrent de nombreuses octaves, et il faut donc disposer d’un talent considérable pour les interpréter. Pour atteindre l’idéal de l’équilibre elfique, les nombreuses lignes harmoniques de leurs compositions se tissent autour des mélodies et les renforcent dans les graves comme dans les aiguës, au point que même les oreilles elfiques ne parviennent plus à les percevoir.

Les compositeurs elfes ont fait de nombreuses innovations. Ils utilisent par exemple une dizaine d’instruments à la fois là où les autres races emploient seulement un instrument ou deux et une voix. Les compositeurs elfes combinent généralement de cinq à dix instruments pour produire une palette de sons qu’ils utilisent comme le peintre utilise ses couleurs. Les ravages causés par le Châtiment donnèrent naissance à une autre innovation qui consiste à composer des œuvres symboliques, comme en peinture. Dans les musiques inspirées des événements qui se déroulèrent après la corruption du Bois de Wyrm, les compositeurs utilisent des thèmes ou des motifs particuliers pour représenter les Horreurs par des instruments graves, de sombres mélodies et des cordes discordantes.

Les elfes composent des mélodies d’une beauté poignante mais ils sont aussi à l’origine des plus belles chansons de Barsaive. La plupart des chansons elfiques parlent de la gloire de la nature et des croyances spirituelles elfiques. Les paroles de ces chansons sont si belles et si finement ciselées que même si on les traduit du sperethiel vers une langue moins raffinée, elles ne perdent qu’un peu de leur beauté et de leur pureté.

 

« Liandre a beau se rengorger comme un paon devant la musique elfique, les autres races créent aussi des mélodies dignes d’être entendues. Rien ne vaut une bonne chanson troll, ou non, mieux, une histoire chantée des sylphelins. Aucun elfe ne peut rivaliser avec la splendeur du chant des ailes d’un sylphelin ! »

Chag Skat, Troubadour troll

 

 

Des liens étroits entre la musique et la poésie :

 

 

Toutes les paroles des chansons elfiques sont, bien évidemment, en vers, et la plupart des poèmes elfiques se mettent en musique. C’est surtout au niveau de leur longueur que ces deux arts diffèrent le plus. Les chansons sont plus courtes que les poèmes et contiennent souvent des refrains que l’on répète. La véritable poésie ne répète pas ses vers et elle comporte habituellement plusieurs strophes de plus que les chansons. Bien sûr, il existe des exceptions à ces règles. Ainsi, il faut plusieurs heures pour chanter la ballade « Les Chevaliers de la Flèche écarlate » tandis que le poème de « la Guérison du Bois de Sang », que tous les elfes récitent avant de rompre le pain, ne fait que douze vers.

Dans la poésie, chaque strophe comporte une seule idée, émotion ou pensée. Inutile donc de préciser que les poèmes qui parlent d’événements majeurs ou de sujets complexes possèdent de nombreuses strophes afin de transmettre les intentions du poète à son lecteur.

 

 

Du noble art de la danse :

 

 

Les danses elfiques sont une véritable merveille, l’un des spectacles les plus élégants et les plus gracieux que l’on puisse avoir l’honneur de voir. Beaucoup de danses elfiques combinent les mouvements à la musique et à la magie de l’illusion pour créer des tableaux fluides et mouvants d’une beauté hypnotique. De tous les Donneurs-De-Noms, seuls les sylphelins s’approchent de la grâce et de la complexité des mouvements elfiques et ce, uniquement parce que leurs ailes leur permettent de réaliser des mouvements irréalisables pour un elfe.

Dans nombre de communautés elfiques, les danseurs utilisent leur art pour raconter des histoires et des légendes, comme les sylphelins. Ces artistes mêlent la danse, les chants et la musique pour narrer des contes épiques basés sur les légendes et l’histoire des elfes. Quand je vivais dans mon kaer, j’eus la chance d’assister à de nombreuses représentations de ce type et je peux vous dire que ces performances enivrantes et émouvantes aidèrent les elfes à entretenir la flamme qui vacillait dans nos cœurs en ces tristes jours. Depuis que nous sommes sortis des kaers, ces souvenirs de notre glorieux passé ont pris une importance vitale, car ils nous relient à la culture elfique pure et intacte d’autrefois.

 

 

Des arts de la magie :

 

 

La magie imprègne les arts comme elle imprègne chaque aspect de la vie des elfes. Tous les elfes ne deviennent pas des adeptes ou des magiciens, mais tous apprennent à se servir de la magie et à l’appliquer dans l’art qu’ils sont choisis. Par exemple, les danseurs et certains Ménestrels créent de merveilleuses illusions magiques pour accompagner leurs œuvres. Je connais quelques peintres qui se servent de la magie pour faire bouger les sujets de leurs tableaux. De nombreux magiciens elfes brodent de puissants symboles magiques sur leurs robes. La magie est un art en soi, souvent pratiqué par ceux que l’on appelle des adeptes « mineurs » pour lire les cartes, se repérer, cultiver la terre ou pour d’autres tâches que les autres Donneurs-De-Noms ne considèrent pas comme relevant du domaine de la magie.

Depuis la corruption du Bois de Wyrm, beaucoup d’elfes restés purs évitent de se servir de la magie du sang, en partie parce que l’on dit que le rituel des épines appartient à cette catégorie. Dans nombre de communautés elfiques, la magie du sang est considérée comme une chose répugnante et dangereuse, et son usage est interdit. Dans d’autres endroits, elle est tolérée dans des conditions particulières et bien défini.

 

 

De l’artisanat :

 

 

La distinction habituelle entre l’art et l’artisanat importe bien moins aux elfes qu’aux autres races car les artisans elfes prêtent autant d’attention à la beauté qu’à la fonctionnalité de leurs marchandises. Les Forgerons elfes façonnent des épées dignes de figurer dans une salle d’audience royale et de même, tous les artisans elfiques fabriquent des objets d’une beauté et d’une qualité incomparable, qu’il s’agisse d’une armure, d’un vêtement ou d’une poterie. Je vais vous décrire quelques métiers des plus connus.

 

 

De la gloire de l’architecture elfique :

 

 

Beaucoup de race préfèrent décorer l’intérieur de leur maison plutôt que d’illuminer une façade terne. Les elfes, eux, cherchent la beauté en toute chose. Les habitations et autres structures elfiques sont souvent décorées de gravures et de sculptures élaborées insérées dans les murs et les toits. Les bâtiments les plus importants, comme ceux des dirigeants d’une ville ou d’un village, sont si élaborés qu’ils rivalisent avec l’architecture thérane la plus ouvragée. Bien sûr, dans la plupart des communautés elfiques, les ornements des façades imitent si bien la nature que seul un elfe peut les apprécier pleinement. Le palais de la reine, dans le Bois de Sang, reste sans doute le plus bel exemple de ce style de construction « au naturel ». Le palais est construit sur huit énormes arbres et ses murs comme son toit sont faits de branches, de lianes et de feuilles entrelacées, mêlées de pétales de violette et de Roses blanches.

 

 

De la forge des armes et des armures :

 

 

Les artisans elfes transforment chaque arme et chaque armure en une œuvre d’art, mais tous les ornements et toutes les décorations qu’ils rajoutent servent aussi à renforcer l’objet. Les armures et les armes elfiques offrent l’équilibre idéal entre beauté et efficacité.

Les armes et armures elfiques sont principalement ornées de runes en sperethiel, gravées sur toute la surface de l’objet. Depuis le Châtiment, la langue throalique est devenue la plus parlée de Barsaive et les Forgerons elfes intègrent donc parfois des symboles et des icônes throaliques aux runes en sperethiel.

 

 

De la confection des vêtements :

 

 

Les vêtements elfiques sont, comme toute œuvre elfique, d’une facture et d’un aspect exquis, qu’ils possèdent une coupe simple ou élaborée. Pour teindre les tissus, les drapiers elfes utilisent une vaste palette de teintes somptueuses, comme celles des peintres. Et comme la seule beauté de ces couleurs exige un tissu assez fin pour les mériter, les tisserands elfiques fabriquent des étoffes d’une qualité inégalée. Ce que nous appelons le tissu elfique est aussi doux qu’un pétale de fleur ou que le baiser d’un nuage, gardant son lustre bien plus longtemps que toute autre étoffe.

Chaque vêtement cousu dans cette étoffe est taillé de manière à cacher les défauts de son porteur et à faire ressortir la beauté de son corps et sa pigmentation (pour les orks et les nains qui prétendent qu’une robe elfe a toujours l’air déplacée sur leur personne, je peux juste dire que parfois, on rencontre des défauts que même le meilleur couturier elfe ne parvient pas à cacher). Beaucoup d’habits elfiques sont brodés de dessins complexes réalisés avec des fils de toutes les couleurs possibles et imaginables. Certains fils ressemblent même à de minuscules bandes de métal ou de pierre précieuse. La beauté des broderies des habits elfiques, l’élégance de leur coupe et la finesse de leurs étoffes si colorées en font les vêtements préférés de tous les gens civilisés de Barsaive.

 

 

De la beauté unique du langage elfique :

 

 

Le langage elfique, appelé sperethiel, est aussi beau à entendre que la plus douce des mélodies elfiques. Sa beauté ne réside pas uniquement dans ses sonorités mais aussi dans sa complexité. Tout expert en langues se doit d’admirer l’élégance et la complexité de la construction de sperethiel, surtout s’il le compare à la langue throalique, bien plus commune et quelque peu maladroite. Tout enfant elfe apprend le sperethiel dès son plus jeune âge, tout comme il apprend la peinture, la sculpture, la danse, la musique et la magie. Le sperethiel caresse l’oreille quelle que soit la forme qu’il prend, mais c’est dans les chants qu’il déploie toute sa splendeur, alors que ses sonorités fluides se mêlent à de douces mélodies pour créer les plus belles chansons de Barsaive.

La majorité des elfes de Barsaive parlent couramment le sperethiel mais il est inquiétant de voir que peu d’entre eux l’écrivent correctement. La raison à cela peut paraître ridicule. En effet, elle découle d’un problème si insignifiant que personne n’a pu l’anticiper : une simple pénurie du parchemin sur lequel les elfes s’entraînaient à écrire les runes complexes du sperethiel a failli nous coûter une grande part de notre culture ! Quand nous construisîmes les kaers pour nous abriter pendant le Châtiment, ces refuges n’offrirent que peu d’espaces de stockage et l’on considéra que la nourriture avait plus d’importance que les outils d’écriture. Mais sans ces outils, les générations suivantes ne purent apprendre à écrire la langue de leur peuple. Depuis que nous avons retrouvé la lumière du jour, les érudits elfes ont fait de leur mieux pour ressusciter notre langage écrit, et avec un certain succès. Beaucoup de véritables elfes trouvent qu’il est bien triste que ce soit à la Cour elfique, là où les elfes pervertis ne parlent et n’écrivent que leur langue, que le sperethiel écrit ait survécu sous sa forme la plus pure. Cet état de fait perturbe tant d’elfes qu’ils font d’énormes efforts pour réapprendre notre langue ancestrale.

J’ai entendu des Histoires qui parlent d’un langage qui aurait donné naissance au sperethiel mais je ne peux pas me porter garant de leur véracité. On dit que l’on parlait cette langue à la Cour elfique et dans tous les royaumes elfes du monde avant qu’Alachia ne monte sur le trône et qu’il surpassait le sperethiel en complexité comme en élégance. En tant qu’érudit, j’aimerais vraiment trouver la preuve qu’il ait existé une telle merveille linguistique !

 

« La perte du sperethiel écrit perturbe nombre d’écrivains elfiques. Tous les peuples partagent, enseignent et apprennent leur culture grâce à leur langue et sans le sperethiel écrit, les elfes ont perdu une part vitale de leurs traditions. »

Merrox, maître de la Salle des Archives

 

« En réalité, beaucoup d’érudits elfes considèrent le remplacement du sperethiel écrit par le throalique comme une terrible violation des coutumes et des traditions elfiques. »

Karon Foll

 

 

De l’art de raconter des histoires et des légendes :

 

 

Les histoires, en vers ou en prose, font partie des arts les plus appréciés des elfes. Les nombreux récits de mon peuple comprennent de véritables comptes-rendus tirés de l’histoire elfique, des légendes, des histoires à dormir debout et des fables destinées à illustrer une croyance importante pour les elfes. Comme pour la plupart des légendes des autres races, la majorité des contes elfiques ont une origine bien réelle, qu’elle soit littérale ou symbolique. Sur les innombrables histoires d’héroïsme, de tragédies et de triomphe que compte la littérature elfique, je vous en ai choisi deux : l’histoire très connue d’une ville légendaire et un conte fascinant qui fait actuellement le tour des communautés elfiques de Barsaive.

 

 

La légende de la cité des tours :

 

 

En ces jours glorieux où le Châtiment n’avait pas encore assombri nos terres, une ville scintillante se dressait au nord-ouest. Les elfes qui la bâtirent la nommèrent Seréatha, la Cité des tours, car elle était entourée de tours de marbre et d’albâtre qui dominaient tous les autres bâtiments.

Ces tours étaient habitées par les nombreuses guildes d’adeptes de la ville et toutes avaient juré de faire de leur mieux pour protéger la cité et préserver la pureté des coutumes et de l’art elfique. Les adeptes dévoués à une Passion nommèrent leur tour en son honneur. D’autres la baptisèrent au nom de l’idéal elfique le plus cher à leurs yeux. Tous ceux qui vivaient à Seréatha prononçaient souvent ces noms sacrés avec joie. Et en les entendant, l’Univers offrit sa magie à ces noms pour les renforcer.

Dans la cité des tours mais aussi dans toutes les terres avoisinantes, trois guildes étaient particulièrement renommées. Les Maîtres d’armes des Épées de la justice suivaient la doctrine de Mynbruje, Passion de la justice, de la compassion et de la vérité. Ils étaient chargés de faire respecter les justes lois de Seréatha et parcouraient souvent le monde pour faire régner la justice et la miséricorde de Mynbruje dans les royaumes qui les délaissaient. La Guilde des étudiants, une société d’érudits, de magiciens et de Troubadours dévoués à la Passion Floranuus et au chemin des érudit, étudiait les anciennes coutumes elfiques et approfondissaient les connaissances que les elfes avaient d’eux-mêmes. Enfin, les Guerriers et les Maîtres d’armes des Chevaliers de la Flèche écarlate consacraient leur vie à préserver la culture et les traditions elfiques.

A l’apogée de la culture elfique, la Cité des tours surpassait tous les royaumes elfiques en beauté, en grâce, en sagesse et en pouvoir, à l’exception de la Cour elfique du Bois de Wyrm. Les elfes venaient de loin pour admirer cette magnifique cité et passer leurs journées à pratiquer leur art à l’ombre des tours. Musiciens, danseurs, peintres, sculpteurs, tisseurs de tapisseries, artisans, magicien… tous venaient à Seréatha pour apprendre des autres et transmettre leur savoir. On dit que la ville organisait souvent des concours pour savoir quel elfe exerçait le mieux son art. Les plus grands Troubadours elfes apprirent d’ailleurs leur métier à Seréatha.

Hélas, le Châtiment nous arracha la Cité des tours comme il nous arracha tant de choses. Personne ne sait ce qui arriva à Seréatha ni à ceux qui y vivaient. Nous avons un faible espoir que la ville ait survécu au Châtiment car quelques voyageurs venus des terres du nord et de l’est nous ont parlé des Chevaliers de la Flèche écarlate et disent que les membres de cette guilde vivent encore là-bas. Ils disent aussi que les Chevaliers sont venus en Barsaive pour nous aider à nous débarrasser des dernières Horreurs.

 

 

Comment la Fleur éternelle retourna au Bois de Wyrm :

 

 

Takaris, le conseiller en chef de la reine des elfes, vivait dans le Bois de Sang, nommé le bois de Wyrm avant la corruption. Il apprit l’histoire de la Fleur éternelle, le trésor que tous disaient volés par les thérans. Takaris était passé maître dans l’art de savoir ce qui se passait dans le monde, hors du Bois, et il entendit dire que la Fleur éternelle avait survécu au Châtiment et qu’elle se trouvait dans les ruines de Parlainth, la Cité oubliée. Il voulut donc savoir si ces rumeurs étaient vraies… et il voulut aussi récupérer le trésor perdu si elles s’avéraient fondées. Mais sa reine, qui ne supportait pas les condamnations des autres Donneurs-De-Noms, avait interdit tout contact avec le monde extérieur.

Pourtant, Takaris avait entendu une prophétie qui disait que le jour où la Fleur éternelle retournerait au Bois de Sang, annonçant la rédemption de la Cour corrompue. Si la Fleur éternelle revenait au Bois de Sang, il pourrait commencer à se transformer à nouveau en Bois de Wyrm. Takaris, honteux devant la perversion de sa personne et de son peuple, désirait cette rédemption plus que toutes choses. Par amour, il défia la volonté de sa reine et en secret, envoya un message à la ville du Refuge, chargeant un groupe de héros elfes de s’aventurer dans les ruines de Parlainth et de récupérer le trésor perdu.

Les Passions exaucèrent les vœux de Takaris et trois puissants aventuriers elfes répondirent à son appel. La première était Lé’ara, Maîtresse d’armes de Balihan ; la deuxième Kes’turah, Maîtresse des animaux d’Ennyskiel et le dernier était Séosamh, Élémentaliste d’Urupa. Ensemble, ces trois courageux héros s’aventurèrent dans les entrailles grouillantes d’Horreurs de Parlainth, à la recherche de ce qui pourrait racheter leurs parents souillés et rendre au peuple elfique, le cœur qu’il avait perdu.

Ils triomphèrent de nombreux périls, jusqu’à ce qu’ils arrivassent dans une salle dont les murs étaient peints de runes qui donnaient le vertige et retournait l’estomac à tous ceux qui essayaient de les déchiffrer. Aucune magie ne parvint à franchir la porte scellée, et la vue astrale de Séosamh ne lui révéla qu’un abysse noir et glacé, au sein de laquelle brillait une minuscule lueur dorée. Quand Séosamh décrivit sa vision à ses compagnes, tous surent qu’il avait trouvé la Fleur éternelle et ils reconnurent aussi l’Horreur qui la gardait.

L’Horreur leur apparut comme une brume glaciale qui les enveloppa tous et tenta désespérément de les engloutir. Elle appela tous ses ignobles laquais à son secours mais en vain. Les trois héros tuèrent tous les ennemis que la brume leur envoya, bien qu’ils durent payer de leur sang. Kes’turah fut mortellement blessée mais, dans un dernier souffle, acheva son ennemi. Alors que Kes’turah mourait en combattant et que Le’ara repoussait les dernières créatures, Séosamh lança un sort qui détruisit la Brume. A la mort de l’Horreur, la porte de la chambre scellée s’ouvrit et Le’ara prit la Fleur éternelle.

« Nous avons versé le sang pour toi, dit-elle, et ainsi, tu rachèteras le sang versé par les nôtres. »

Le’ara et Séosamh emportèrent le trésor et le corps de leur compagne défunte et rentrèrent au Refuge. Une fois qu’ils accomplirent le rituel de la vie éternelle pour Kes’turah, ils se rendirent au Bois de Sang avec la Fleur éternelle et la présentèrent à la reine des elfes. Furieuse que son conseiller eut bafoué ses ordres, Alachia exigea de savoir comment Takaris avait osé contacter des étrangers pour un problème qui touchait si douloureusement la Cour elfique.

Takaris s’agenouilla humblement devant elle et lui dit : « Écoutez-moi, gracieuse souveraine, car je sais que j’ai transgressé vos ordres et je vous supplie de me pardonner. Mais comment aurais-je pu envoyer l’un des nôtres chercher la Fleur éternelle ? Vous savez bien comment les autres Donneurs-De-Noms de Barsaive nous considèrent. Vous avez interdit à tout elfe de sang de quitter le Bois de Sang et je n’en connais aucun qui oserait vous désobéir. Ces étrangers étaient mon seul espoir et ce sont des elfes, ma reine. Ils n’appartiennent pas à votre cour mais ils sont de votre peuple et ce problème les concerne aussi. »

« Ils ne s’agenouilleront pas devant moi, comme tout elfe le devrait », lui répondit Alachia.

« Cela est vrai ma reine, dit Takaris, mais ils vous ont apporté un cadeau sans prix. Ils ont ramené la Fleur éternelle là où elle doit se trouver, afin que nous puissions guérir. Cela ne vaut-il pas plus que quelques paroles de loyauté ? »

En écoutant les paroles de Takaris, la reine Alachia comprit ce que lui et ses héros avaient accompli. Elle en fut tellement émue qu’elle en oublia sa colère et pardonna la désobéissance de son conseiller. La Fleur éternelle demeure à présent au palais de la reine et l’on dit que sa magie commence lentement à soigner les plaies du Bois de Sang.

 

« Selon de récents rapports du Refuge, on aurait vraiment ramené la Fleur éternelle des ruines de Parlainth. Mais dans des circonstances qui diffèrent grandement de celles racontées ici. A commencer par le fait que ce ne sont pas seulement trois aventuriers elfes qui récupérèrent ce trésor perdu mais des héros de nombreuses races qui travaillèrent de concert. »

Thom Edrull

 

 

De la répartition des elfes de Barsaive :

 

 

Depuis le Châtiment, les elfes de Barsaive sont sortis des kaers et vivent dans toutes sortes de villes et villages, parmi les autres races. Comme pour tous les Donneurs-De-Noms, le Châtiment leur a appris l’importance de vivre en harmonie avec des voisins de toutes races. Il existe encore des communautés composées uniquement d’elfes, mais elles sont bien moins nombreuses que pendant ma jeunesse. Le mélange des races est l’une des seuls changements positifs apportés par le Châtiment.

Enfant, je ne comprenais pas pourquoi les gens des autres races n’étaient pas les bienvenus dans mon village. Je comprenais juste que les aînés ne les aimaient pas. Au début, l’arrivée des Horreurs rendit les gens encore plus soupçonneux. On me dit de ne pas faire confiance aux étrangers car ils pouvaient être influencés par une Horreur. Mais au fil du temps, les elfes s’aperçurent que la construction des kaers demandait plus de temps et de ressources que ce que les villages pouvaient fournir. Les chefs de notre village durent donc accepter l’aide des autres races des villages voisins et les aider en retour. Quand nous scellâmes les kaers, nous avions appris à faire confiance à ceux qui nous avaient aidé et nous les accueillîmes dans nos kaers dans l’espoir que le nombre nous aiderait à empêcher les Horreurs de nous détruire.

La construction des kaers sema les graines de l’unité entre les races et « le Livre de Demain » les fit germer. Tous les barsaiviens, quelle que fut leur race, connaissaient ce livre et survécurent au Châtiment en embrassant ses idéaux. Quand les diverses races de Barsaive purent retourner dans leur monde, elles partageaient toutes des valeurs communes.

Puis les peuples de Barsaive émergèrent à la surface et se trouvèrent à nouveau unis par le besoin de survivre et de guérir leur terre ravagée. Le retour des thérans mit notre fragile unité naissance à l’épreuve et la renforça. Guidées par les nains de Throal qui les avaient conduites à l’unité, les nombreuses races de Barsaive s’unirent pour briser le joug théran et repousser leurs anciens maîtres dans une petite portion du sud-est de Barsaive. Si nous étions restés divisés et méfiants les uns envers les autres, les thérans n’auraient sans doute eu aucun mal à reconquérir Barsaive.

Bien sûr, il reste des différences entre les races et c’est ainsi qu’il doit en être. L’unité n’est pas synonyme d’uniformité et il n’y a aucune raison pour qu’un elfe vive comme un obsidien ou vice versa. Les Donneurs-De-Noms de Barsaive vivent en harmonie, quelles que soient leurs coutumes et c’est là le plus grand avantage de notre société nouvelle : nous avons appris à ne pas considérer nos différences comme une source de division. C’est dans cet esprit que beaucoup d’elfes choisissent de vivre parmi les autres races, dans des villes et des villages répartis dans tout Barsaive. Les communautés elfiques qui existent encore vivent et travaillent en paix avec les communautés voisines des autres races.

 

 

Des communautés elfiques :

 

 

La plupart des communautés elfiques se trouvent dans les jungles et les forêts de Barsaive. Les elfes considèrent ces endroits comme de véritables symboles de la nature et c’est donc là qu’ils préfèrent s’installer. La majorité des elfes utilise la magie Élémentaire pour créer des villages qui se fondent si bien avec leur environnement que les gens peuvent traverser un village elfique sans s’en rendre compte.

Les elfes qui choisissent de vivre loin des autres Donneurs-De-Noms aiment leur intimité et la défendent. Toutes les communautés elfiques que je connais postent des sentinelles à leurs frontières, généralement des Maîtres des animaux, des Éclaireurs, des Voleurs ou des Guerriers. Dans certains royaumes, les adeptes elfes qui servent de sentinelles suivent une Discipline connue de ces seuls peuples : le Gardien des bois. Cette Discipline ésotérique enseigne comment s’unir à la nature, aux plantes et aux animaux. Quelle que soit la Discipline des sentinelles, elles savent toujours qui ou quoi s’approche de leur village. Mais au lieu d’attaquer les voyageurs inattendus, ils informent les chefs du village de leur présence et ce sont donc ces derniers qui décident de leur sort. Il existe tout de même quelques tristes exemples de communautés qui tiennent tant à leur isolement qu’elles attaquent tout intrus à vue.

Beaucoup de communautés elfiques rivalisent avec les plus grandes villes de Barsaive en termes de taille. Et elles sont souvent bien plus belles. Un elfe sur quatre vi dans ce genre de communauté. Ces villes elfiques sont rares mais jouent un rôle primordial dans la survie spirituelle de notre peuple. Car bien que nombre d’entre nous choisissent de vivre dans des villes ou des villages habités par d’autres Donneurs-De-Noms, nous restons liés à la nature et nous estimons beaucoup nos frères qui vivent en son sein. Ces elfes qui préfèrent la compagnie d’un Chêne à celle d’un Cavalier ork ou la compagnie d’une fleur à celle d’un Troubadour humain sont sans doute les plus à même de protéger la culture elfique contre les ravages du temps et les coutumes perverties du Bois de Sang. Et si l’univers aime vraiment les elfes, ces communautés forestières pourraient même rendre leur ancienne gloire aux arts et aux traditions elfiques.

Les villes elfiques occupent une place importante dans la vie des elfes car c’est là que se déroulent les rituels de naissance, de baptême, de passage à l’âge adulte, de mariage et de mort (j’ai déjà parlé de ces rituels un peu plus tôt, dans la section « Des rituels elfiques »). Ce n’est qu’en accomplissant ces rituels dans les communautés elfiques que les elfes qui vivent parmi les autres races de Barsaive peuvent conserver leurs liens avec leurs frères. La plupart des familles elfiques ont des parents dans une ou plusieurs communautés elfiques et leur rendent visite lors d’occasions particulières, pour participer aux festivités et aux rituels elfiques.

Comme nos fêtes et nos rituels les plus importants se déroulent parmi les nôtres, dans les forêts, les autres Donneurs-De-Noms nous trouvent secrets et distants. Il est vrai que nos traditions sacrées restent secrètes, mais je me demande quelle race ne cache pas une partie d’elle-même à ceux qui ne sont pas de son sang. Il est de notre droit de préserver notre histoire et nos traditions comme bon nous semble. Et la corruption de la Cour elfique ne fait qu’amplifier ce besoin. La Cour ne peut plus protéger la culture et les traditions elfiques et chaque elfe se doit donc d’accomplir ce devoir.

 

 

Des elfes et des autres Donneurs-De-Noms :

 

 

Tous les elfes ont tendance à avoir le même comportement vis-à-vis des autres Donneurs-De-Noms. Malheureusement, la corruption de la cour elfique a poussé de nombreuses races à se méfier des elfes et cette méfiance injustifiée s’est transmise aux elfes. Nous désirons toujours vivre en harmonie avec les autres Donneurs-De-Noms, mais il nous est de plus en plus difficile de rester tolérants face à la suspicion.

Car beaucoup de barsaiviens confondent les elfes et les elfes de sang, et ils pensent que nous sommes aussi corrompus qu’eux, alors que notre corps n’est pas percé d’épines. Il est bien triste de constater que bien trop d’étrangers ne parviennent pas à comprendre que nous n’aimons pas plus les elfes du Bois de Sang qu’eux, même s’ils sont nos parents. Le Bois de Sang est une cicatrice sur le monde mais aussi dans l’âme des elfes et son existence nous blesse plus que quiconque.

Cela dit, je dois admettre que les elfes ne font pas grand-chose pour changer l’opinion des autres. Nous restons réservés et silencieux, même si nous savons que les autres prennent ce calme pour de l’arrogance. Nous devrions peut-être ouvrir un peu notre cœur, mais cela nous est difficile. En effet, comment pourrions-nous partager nos pensées avec ceux qui ne nous comprennent pas ? Et s’ils ne nous comprennent pas, ne vaut-il pas mieux que nous restions silencieux plutôt que de les forcer à admettre nos croyances et nos idées ?

Les nains sont de loin les plus méfiants envers les elfes. Bien que nous appréciions l’aide qu’ils nous ont apportée pour libérer Barsaive de la domination thérane, beaucoup d’elfes pensent que le côté très terre à terre des nains les a privé de leur esprit. Les humains ont tendance à se montrer aussi arrogants envers les autres races que nous sommes accusés de l’être. Au cours de ma longue vie, j’ai eu beaucoup d’amis humains mais j’ai rencontré bien plus d’humains qui dénigraient ma valeur à la seule vue de mes oreilles pointues. L’un de mes amis, l’érudit humain Kallarian de Jerris me dit un jour que sa race rabaissait les autres afin de se sentir digne d’exister. S’il en est ainsi, je les plains sincèrement car douter de sa propre valeur est une grande tragédie, une dont j’ai fait l’expérience. Je ne peux pas dire grand-chose des races primitives comme les orks et les trolls. Les elfes ont si peu de choses en commun avec ces jeunes peuples souvent barbares qu’il est difficiles e se lier d’amitié avec eux. Mais je ne les condamne pas pour leur nature primitive, comme le font certains de mes frères. Les orks et les trolls sont comme ils sont et l’on ne peut qu’espérer qu’avec le temps, ils abandonneront leurs coutumes les plus barbares.

 

« Je trouve bien étrange que les êtres qui partagent la même parenté que les habitants du Bois de Sang puissent qualifier une autre race de barbare. »

Karoar, Troubadour ork

 

Les solennels obsidiens semblent partager la même profondeur spirituelle que les elfes et le même amour pour le monde naturel. Ils comprennent mieux que toute autre race à quel point la corruption de la Cour elfique nous affecte. Ils compatissent à notre douleur et bien que certains elfes confondent cette compassion avec de la pitié et la rejettent donc violemment, la plupart de mes frères l’apprécient sincèrement. De tous les Donneurs-De-Noms, les obsidiens semblent les seuls à comprendre la douleur qu’un peuple ressent en perdant son âme.

Les t’skrangs partagent aussi notre nature spirituelle mais la leur prend une forme bien différente de la nôtre. L’idéal t’skrang de l’haropas ressemble au stade d’équilibre, d’harmonie et de puissance que recherchent les elfes. Mais les t’skrangs développent leur âme grâce au courage et même à la témérité, tandis que les elfes les considèrent comme la première étape des cinq chemins qui forment la Roue de la vie.

Les sylphelins partagent l’apparence et l’amour de la nature des elfes, ainsi que leur besoin de mener une vie faite de sentiments. Pour de nombreux Donneurs-De-Noms, les sylphelins ressemblent à de petits elfes ailés. Ils nous ressemblent tellement que certains érudits affirment que nous sommes apparentés. Pour ma part, je ne le crois pas et je vous déconseille vivement de faire ce genre de comparaison à haute voix. La plupart des elfes considèrent cette supposition comme une insulte : les sylphelins sont une race admirable mais ce ne sont pas des elfes. Être un elfe, cela veut dire voir, entendre et connaître certaines choses que nous gardons secrètes et les sylphelins sont si frivoles qu’ils n’ont pas la profondeur de pensée nécessaire pour partager ces perceptions. Mais il est possible qu’un jour, ils développent ce genre de capacités. Leur respect pour la nature et leur affinité pour les elfes présagent le meilleur pour leur race. Les sylphelins et les elfes sont capables de sentiments profonds mais les sylphelins aiment tous ce que la vie leur offre tandis que les elfes se montrent bien plus sélectifs quant à l’objet de leur dévotion. Contrairement aux sylphelins, les elfes ne perdent pas subitement leur intérêt pour une chose, une personne, un endroit ou une coutume pour placer leur loyauté ailleurs. La dévotion d’un elfe ne connaît pas de limite, car pour lui, rien n’est aussi important.

Peu de Donneurs-De-Noms sont à même de comprendre à quel point un elfe peut se laisser consumer par sa loyauté. Même les sylphelins ne ressentent que l’ombre de la dévotion que les elfes vouent à une cause. Comme les autres Donneurs-De-Noms, ils nous prennent souvent pour des gens distants et arrogants. Mais en réalité, la plupart des elfes ne se montrent pas distants envers les sylphelins et ils apprécient leur compagnie. Comme les sylphelins ont beaucoup en commun avec les elfes, même s’ils ne possèdent que des bribes de notre spiritualité, nous les considérons comme d’adorables enfants.

 

 

Des elfes et des elfes de sang :

 

 

Que nous le voulions ou non, les elfes du monde sont encore liés aux elfes corrompus du Bois de Sang. Et c’est à cause de ces liens qu’aucun elfe de Barsaive (ni même des autres royaumes) ne peut entièrement détourner ses pensées du Bois de Sang. Le Bois et ses habitants sont une plaie béante sur notre monde et chaque elfe doit porter une part de ce fardeau. Même si nous voudrions le nier, nous autres elfes intacts, la reine Alachia était autant notre reine que celle des elfes de sang. Ce fut notre reine qui refusa l’aide des thérans, choisit de détruire l’âme des elfes par le Rituel des épines et c’est elle qui accepté l’horreur qu’est devenue la Cour. Et bien que les véritables elfes ne suivent plus les décrets de la reine Alachia, elle appartient tout de même à notre peuple.

Ce lien de parenté dont nous ne voulons pas se fait encore plus durement sentir dans le regard des autres. Une grande partie du monde continue de considérer que la Cour elfique représente mon peuple et bien trop pensent donc que nous avons tous perdu notre âme. Bien trop ne font pas la différence entre les elfes qui portent des épines et ceux dont la peau est restée intacte. Malgré tous nos efforts pour nous dissocier de la Cour elfique, nous ne pouvons lui échapper.

C’est en observant la manière dont les elfes de sang considèrent leurs parents indemnes que l’on comprend vraiment les conséquences tragiques et terrifiantes du choix d’Alachia. Nous les considérons comme l’incarnation de la corruption alors qu’ils pensent que nous n’avons pas reçu l’illumination. Ils en sont fiers ! De nombreux elfes craignent que les elfes de sang ne finissent par croire qu’ils sont les seuls détenteurs de la vérité et qu’ils essayent de nous contraindre à adopter leurs coutumes.

Heureusement, chaque elfe est prêt à donner sa vie pour qu’une telle catastrophe ne se produise jamais.

 

« Liandre nous soumet là une inquiétante possibilité. Les elfes de sang sont-ils capables de corrompre leurs frères ou Liandre nous transmet-il juste ses pires craintes ? Malheureusement, même moi, je ne peux poser cette question aux elfes du Bois de Sang sans risque. »

Karon Foll